Entrepreneuriat : « Si tu ne peux pas être un bon employé, tu ne peux pas être un bon entrepreneur », Yékirémi Abdias Farma, web entrepreneur
Lefaso.net
vendredi 10 mars 2023
Toutes les versions de cet article : [(1|>{1}|?{' '}) [[({'',})]français{'',}] ]
Yékirémi Abdias Farma est un jeune web entrepreneur burkinabè. Ses domaines d’intervention sont la communication digitale et la conception graphique. Doué dans son domaine, il partage son savoir-faire avec de nombreux passionnés des métiers du digital à travers des séances de formation. Passionné du digital depuis le campus, il s’est lancé à son propre compte, il y a de cela quatre ans et compte bousculer la hiérarchie dans ce domaine. Dans un entretien accordé au journal Lefaso.net, il partage avec nous sa vie de web entrepreneur, dans un monde de plus en plus numérisé.
Lefaso.net : Comment êtes-vous arrivés à l’infographie et à la communication digitale ?
Abdias Yékirémi Farma : L’infographie et la communication digitale ont été des domaines dans lesquels je me suis lancé déjà par passion. C’est lors de mes stages que je faisais parallèlement aux études dans une boite de communication. C’est là que j’ai réellement découvert ces domaines et que je me suis formé. Je me suis rendu compte que c’est un domaine dans lequel on peut évoluer, ce n’était pas trop loin de mon domaine de formation d’origine qui est la communication sauf qu’ici, c’est le numérique qui est mis en exergue pour la communication digitale et du côté infographie, on va parler de communication visuelle. Etant donné que j’ai fréquenté l’une des grandes écoles de communication de la place, ça été très facile de me convertir.
Quels sont les devanciers qui vous ont inspiré ?
Il y a un seul, Ousmane Tomota. C’est avec lui que j’ai réellement commencé à pratiquer l’infographie et la communication digitale. Il m’a pris sous sa coupe et je travaillais sur des projets de grandes entreprises en matière de communication digitale. Je m’occupais de la gestion des pages de son entreprise. Même chose dans la conception graphique. Il m’a formé vraiment sans rien attendre en retour.
Comment est née votre entreprise Fasodigital com ?
J’étais encore en troisième année en communication pour le développement et mon directeur m’avait sommé de résilier mon contrat de web journaliste avec un média de la place. J’étais obligé de suspendre le contrat et me concentrer sur les études. Avec mon collaborateur Niéssan Camille Penou, qui a également des expériences en community management, on a décidé de se mettre ensemble pour créer quelque chose. En 2019, les métiers du numérique commençaient véritablement à s’installer au Burkina Faso. On a donc décidé d’accompagner les jeunes entreprises avec des conseils, de la formation. C’est là que l’idée est venue. On a lancé notre première formation à Koudougou avec 9 personnes (rires). Après il y a eu des étapes à Ouaga et on est là aujourd’hui, ça se passe bien et on rend grâce à Dieu.
Parlez-nous un peu de votre entreprise ?
C’est une agence de communication digitale, de conception graphique (identité visuelle, flyers, logo), d’impression de supports de communication. Essentiellement, c’est la gestion des comptes des réseaux sociaux professionnels pour les entreprises et les personnalités publiques, l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies de communication digitale, la conception des sites internet, la production audiovisuelle, la conception des applications mobiles, etc.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans cette aventure entrepreneuriale ?
Le véritable défi, c’est se faire une place dans le domaine. C’est un domaine qui est nouveau mais des agences de communication de grande renommée, on en connaît. Quand vous venez d’arriver, c’est difficile d’avoir la confiance des clients, vous avez la compétence mais les gens ont du mal à vous confier des projets d’une certaine envergure.
Comment amenez les gens à nous faire confiance ?
Dès que l’occasion se présente, on fait proprement le travail. Il y a aussi les périodes mortes où vous n’avez pratiquement pas de clients, les difficultés liées aux paiements, le problème de ressources humaines. Nous sommes les employeurs et les employés en même temps, faute de moyens, etc.
Que faut-il pour être un bon infographe ?
Il faut accepter d’apprendre. Il faut une bonne base. Petite anecdote, je me suis fait virer de mon premier poste d’infographe en 2018. J’ai signé un contrat de 35 000 FCFA le mois mais deux semaines après, j’ai été viré. Je le reconnais aujourd’hui, je n’avais pas la compétence, c’est vrai que la manière de faire ne m’a pas plu mais je reconnais que je n’avais pas le niveau. C’est là que je suis allé chez mon mentor Monsieur Tomota afin de mieux apprendre. Il faut donc se former, continuer à se former, performer, peu importe votre compétence. C’est le travail, la passion, à force d’insister et de travailler.
Quelles sont les compétences requises pour être un bon expert en communication digitale ?
C’est également la même chose. C’est l’humilité surtout. Reconnaître ses limites, savoir monnayer ses compétences, être passionné, apprendre de ses erreurs. Il faut beaucoup lire des livres sur le marketing digital parce que c’est un domaine qui évolue, il faut toujours se mettre à jour, etc.
Au Burkina Faso, en matière de communication digitale, c’est vrai que les jeunes sont en train d’arriver avec force, de casser les barrières mais les vieilles habitudes sont toujours là. Beaucoup d’amateurisme même sur les comptes professionnels de certaines institutions ou sociétés d’Etat. 90% de ceux qui sont dans le domaine sont des autodidactes comme les nous autres. Y en a qui acceptent se former, y en a qui le font par la force des choses et souvent ça n’honore pas l’image de l’entreprise. Mais dans l’ensemble c’est passable, les gens se forment, y a des espaces de partage d’expériences.
Comment vous vivez votre de vie de jeune entrepreneur ?
C’est une vie qui est différente des réseaux sociaux. La plupart du temps, les gens nous connaissent à travers les réseaux sociaux. Sur les réseaux sociaux, on a l’impression que tout va bien. Dans la vie réelle, c’est beaucoup de travail, beaucoup d’investissement, beaucoup de privation de loisirs, de sommeil, pas de vie sociale. Et psychologiquement, si tu n’es pas fort ça peut jouer sur toi. Mais comme j’aime le dire, que chacun assume ses choix. Quand tu choisis d’être entrepreneur, tu sais à quoi t’attendre. La vie de jeune entrepreneur est intéressante, les gens vous connaissent, les gens viennent vers vous et les défis du quotidien renforcent la passion et c’est ce qui fait la saveur de la vie de jeune entrepreneur.
Regrettez-vous de vous être lancé là-dedans ?
Après quelques années, le bilan est satisfaisant. Notre trophée c’est d’avoir tenu pendant quatre ans. Une entreprise qui tient déjà pendant quatre ans, ça nous (fondateurs) permet de nous prendre en charge de façon décente et de pouvoir honorer nos charges. On a maintenant un portefeuille client qui est bien développé contrairement aux débuts. Selon les objectifs de départ, on se voyait plus loin que ça mais la réalité de l’entrepreneuriat est là.
L’entrepreneuriat est-il vraiment la solution au chômage au Burkina Faso ?
L’entrepreneuriat n’est pas la solution au chômage au Burkina Faso. Je n’ai jamais aimé cette théorie. L’entreprenariat demande plus de compétences. Si tu ne peux pas être un bon employé, tu ne peux pas être un bon entrepreneur. On travaille d’abord pour quelqu’un avant de travailler pour soi-même. C’est la discipline que tu vas avoir en travaillant pour les autres, c’est cette même discipline que tu utiliseras pour travailler pour toi. Si par ta compétence, tu n’es pas capable d’avoir un travail, c’est pas sûr que tu puisses vendre cette compétence à quelqu’un. Par exemple, si tu es journaliste et tu décides de lancer ton propre média, c’est ta compétence qui t’as permis d’être journaliste qui te permettra de piloter une équipe de journalistes.
Par contre, là où ça peut résoudre le problème du chômage, c’est lorsque les entreprises sont bien structurées, développées, viables, capables de recruter de nombreuses personnes. Par exemple si j’arrivais à recruter cinq personnes, c’est cinq personnes à l’abri du chômage. Mais les entreprises individuelles où chacun se débrouille sans pouvoir créer de l’emploi ne sont pas la solution. Mais vu qu’il n’y a pas d’accompagnement, les jeunes entreprises comme les nôtres deviennent des exploiteuses. C’est vrai que y en a qui arrivent à se reconvertir mais dire que je n’arrive pas à avoir du travail, je vais me lancer à mon propre compte, c’est compliqué. C’est plus facile d’avoir du travail que d’avoir des clients. C’est ça la réalité.
Quels conseils avez-vous à l’endroit des aspirants entrepreneurs ?
Je les exhorte à foncer. Dès que l’idée vient, il faut se lancer et d’autres opportunités se présenteront par la suite. Pour paraphraser un penseur qui disait « l’entrepreneuriat c’est se jeter d’une falaise et se fabriquer un parachute avant la chute ». Donc si tu as la compétence, il faut se lancer, si ça échoue on revient à la case départ. Si les moyens se présentent de nouveau, vous vous relancez parce que vous pouvez avoir l’idée et quelqu’un va vous devancer dans l’action.
Votre mot de fin…
Je remercie toute l’équipe de rédaction du journal Lefaso.net pour l’opportunité. Je voudrais dire à ceux qui hésitent, les rassurer que les métiers du numérique sont les métiers de l’avenir. J’arrive à vendre mes compétences parce que je me suis lancé et formé il y’a quatre ans. Donc il faut s’y lancer, le monde se numérise davantage.
Mamadou ZONGO
Lefaso.net