Raamdé : Un journal en ligne pour les moréphones
mercredi 13 février 2019
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Le 24 mai 2018, l’univers médiatique burkinabè s’est agrandi avec un journal en ligne en langue nationale mooré, www.raamdé.bf.com. Le directeur de publication du site, Irénée Tiendrébeogo, par ailleurs promoteur du Salon de l’alphabétisation et des publications des langues nationales (SAPELAN) et président de l’association Teel-ba (soutien), nous parle de ce médium qui accorde une place particulière aux langues nationales.
Lefaso.net : Comment est venue l’idée de créer un journal en ligne en langue nationale, notamment en mooré ?
Irénée Tiendrébeogo (I.T.) : Raamdé a vu le jour en octobre 2008 en version papier, avec pour objectif de promouvoir les langues nationales. Avec l’initiation des cours en alphabétisation, l’Etat a consenti de nombreux efforts, mais nous avons toujours été confrontés à l’absence de documents y relatifs ; il se posait alors une question, comment conserver nos connaissances ?
Aussi, nous avons constaté que s’il existait des journaux parlés en langues nationales à la radio ou à la télé, il en existe très peu pour ce qui concerne la presse écrite. Avec l’appui de certaines structures dont l’Association des éditeurs et des publicateurs en langues nationales, nous avons lancé un journal d’informations générales, un mensuel en langue mooré. Le journal était prisé au niveau des centres d’alphabétisation, des paroisses. L’idée, au départ, c’était de commencer avec une langue que nous maîtrisons, le mooré, avant d’aborder d’autres langues telles que le dioula, le fulfudé et le gulmancéma.
Lefaso.net : Le journal a d’abord été édité sur papier avant d’adopter le format web. Qu’est-ce qui explique cette évolution ?
I.T. : Le journal était apprécié par nos lecteurs, mais on avait des difficultés pour l’écouler sur le marché. Sur un tirage de 2 000 exemplaires, on arrivait à vendre entre 500 et 1 000 journaux maximum. Pour faire face aux coà »ts d’impression, on avait même ramené le coà »t du journal de 300 à 200 francs CFA, espérant toucher plus de lecteurs, mais il n’y a pas eu un grand changement et finalement, en mai 2018 , nous avons lancé la version web.
Lefaso.net : Dans la pratique, comment fonctionne un journal en ligne en langue nationale ?
I.T. : Au début, on exploitait les articles d’autres médias, mais nous avons, à ce jour, une équipe de quatre journalistes. Nous assurons la couverture des faits d’actualité. Notre audience a même évolué de 200 à 300 visiteurs par jour, à près de 800 visiteurs par jour actuellement. Et pour élargir notre champ, certains articles en mooré sont souvent accompagnés d’une version française.
Lefaso.net : Comment se porte Raamdé sur le marché ?
I.T. : A ce jour, nous fonctionnons sur fonds propres. Nous avons bénéficié de la subvention de l’Etat à travers l’Association des éditeurs et des publicateurs en langues nationales, lorsque le journal était en version papier. Nos parutions n’étant pas régulières, ça fait près d’une année et demie que nous fonctionnons avec nos propres moyens, mais nous arrivons à nous en sortir grâce aux activités facturées et nos prestations en traduction. Au-delà du journal, notre équipe s’est spécialisée dans la traduction de documents en langues nationales.
Lefaso.net : Quelle est la place des langues nationales au Burkina Faso ?
I.T. : Les langues nationales ont leur place au Burkina. Et avec l’existence des écoles bilingues ces dernières années, les langues nationales ont fait tache d’huile. L’expérience a d’ailleurs démontré que l’élève de l’école bilingue évolue très vite et comprend mieux par rapport à celui de l’école classique. On apprend mieux lorsqu’on apprend dans une langue qu’on maîtrise.
Lefaso.net : Les compétences du département de l’éducation ont été élargies avec le récent remaniement ministériel. On parle désormais du ministère de l’Education nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales. Quelle est votre appréciation ?
I.T. : Nous saluons cette innovation et nous espérons qu’elle va apporter un changement parce qu’on se sentait orphelins. Depuis 2014, il n’y avait plus de département ministériel spécifique qui prenait en compte nos préoccupations. On espère que dans la pratique, qu’il y aura un changement.
Lefaso.net : En guise de conclusion…
I.T. : Il y a un adage qui dit que celui qui néglige sa propre langue, néglige sa propre culture. Si une langue disparait, c’est toute une culture qui disparait. Si nous voulons que la bonne gouvernance soit ancrée dans nos sociétés, il faut reconsidérer les langues, et nos autorités doivent jouer leur rôle. L’alphabétisation a déjà fait ses preuves pour l’épanouissement de la femme. C’est vrai que certains soutiennent qu’on risque de faire un pas en arrière en soutenant les langues nationales, mais il faut travailler à valoriser nos langues nationales.
Propos recueillis par Nicole Ouédraogo
Lefaso.net