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20 BOUGIES POUR "LE PAYS" : La saga ordinaire d’un journal de combat

lundi 17 octobre 2011

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A l’occasion du vingtième anniversaire du quotidien "Le Pays", son fondateur, Boureima Jérémie Sigué, a accepté de se livrer au jeu d’une interview à coeur ouvert. Il retrace le contexte de naissance du journal et sa longue marche à travers le temps. Par la même occasion, le fondateur, lève un coin de voile sur le parcours du combattant qu’il a traversé, de la RDP (Révolution démocratique et populaire) à nos jours


LE PAYS : « Le Pays » a vingt ans aujourd’hui. Quels sentiments vous animent en tant que Fondateur du quotidien ?

Boureima Jérémie SIGUE : Des sentiments de sérénité. Des sentiments de profonde gratitude à l’endroit du Tout- Puissant. Des sentiments d’admiration pour tous ces pionniers qui ont cru au projet au moment même où rien n’était évident. J’apprécie à sa juste valeur, la contribution d’un pionnier comme Hamado Ouangrawa qui fut le premier Rédacteur en Chef du quotidien. Je salue son professionnalisme, son engagement et sa foi dans le projet. Certains des pionniers (hommes et femmes) sont encore dans la maison et je leur sais gré de la permanence et de la constance de leur engagement. J’éprouve aussi de forts sentiments de reconnaissance envers nos milliers de lectrices et lecteurs ainsi qu’à tous nos annonceurs qui nous font l’honneur de nous confier leurs annonces. Ils peuvent continuer à compter sur les Editions « Le Pays ».

Au début des années 90, beaucoup de titres ont vu le jour, mais ont, quelques années ou même quelques mois après, disparu. Comment avez-vous pu poursuivre votre chemin ?

Par la grâce de Dieu, nous avons pu, comme vous le dites, poursuivre notre chemin. Mais j’avoue que les trois premières années ont été un calvaire. Sinon un supplice. J’étais devenu un rat d’imprimerie, circulant presque toutes les nuits de 20h à 6h entre les machines d’imprimerie, faisant même parfois des accès palustres qui m’obligeaient à rendre aux pieds des escaliers, ce que j’avais eu le temps de manger. Le Directeur de l’Imprimerie Nouvelle du Centre de l’époque, M. Patrick Tassembédo dont je salue au passage l’attachement à la qualité, l’engagement personnel aux côtés de ce journal naissant, ne dira pas le contraire. Lancer un journal dans le contexte politique et social de ces années-là, était loin d’être une sinécure. D’ailleurs, personne ne pariait un kopeck sur la durée de vie du quotidien au-delà de six mois. Mais c’était méconnaître notre foi et notre détermination ainsi que notre croyance en un Dieu juste et bon.

Avec quels moyens avez-vous créé « Le Pays » ?

« Le Pays » a été créé avec les moyens que lui ont donnés la Révolution démocratique et populaire (RDP). Je m’explique : avant l’avènement même de la RDP, j’étais propriétaire de deux villas. L’une à Bobo-Dioulasso en zone résidentielle A, et l’autre à Ouagadougou au secteur 15 où j’habitais. Vous savez, j’étais celui qui privilégiait le béton par rapport à tout. La maison d’abord, les boîtes de nuits après. Et la BND (Banque nationale de développement), était là pour tout le monde. A l’époque, c’était une philosophie difficilement acceptable pour la plupart des jeunes. Mais l’histoire m’a donné raison et vous verrez bien pourquoi. En effet, j’ai connu trois suspensions pendant la révolution. Des suspensions enchaînées, c’est-à-dire que la dernière suspension vous tombait dessus pendant que la précédente était toujours en cours. Et être suspendu sous la révolution, voulait dire que tu dois continuer à aller au boulot si tu veux que ta suspension soit un jour levée après examen de ta demande par la RDP.

Sans salaire, tu dois donc aller au travail, te nourrir, te vêtir, te soigner, toi-même et ta famille. J’avais une voiture que j’étais contraint de mettre sur cale. J’étais réduit au bus de la société X9. Je prenais mon bus à la Patte d’Oie et je descendais à un arrêt qui faisait face au ministère des Finances. Je faisais le reste du trajet à pied pour rejoindre la Radio nationale. Soit dit en passant, une femme de mes connaissances m’a avoué, des années après, qu’elle a pleuré quand elle m’a vu à l’arrêt du bus X9 en face de l’actuelle Médiature, chaussé de sandales en plastique avec une assiette dans un foulard. Dans cette assiette-là, je mettais des petits pois bouillis, que j’achetais à 100 F le soir à la descente, à Zaabr-Daaga pour le repas du soir. Les petits pois bouillis appuyés d’un gobelet d’eau, nous permettaient, ma famille et moi, de tenir jusqu’au lendemain. Inutile de vous dire que j’étais incapable de donner chaque jour 10 F à chacun de mes enfants pour les beignets pendant la récréation. C’est pendant la révolution que j’ai compris pourquoi une personne humaine en arrive au suicide. Je suis moi-même passé à un doigt du suicide. Mais, entre ce dernier acte de désespoir et fuir hors du Burkina, ma petite voix intérieure m’a conseillé la deuxième solution.

Je l’ai acceptée d’autant plus facilement que je n’avais rien à perdre ; pas de salaire, plus d’amis, le regard insupportable des enfants le matin avant leur départ pour l’école, bref, j’ai préféré donc changer de coin de terre, la planète étant grande. Je m’étais dit qu’il était préférable de tendre la sébile ailleurs qu’au Burkina. La première étape de cet ailleurs fut Abidjan, avec l’intention de continuer éventuellement sur Dakar, via le Mali par la route et par le train. La Radio nationale fut mon dernier poste à la Fonction publique sous la RDP. De 1974 à 1986, j’ai été successivement journaliste de terrain à la Direction générale de la Presse écrite, Chef du Centre régional de l’information à Bobo-Dioulasso, Directeur de la presse présidentielle du temps du Colonel Saye Zerbo, Directeur Général de la presse écrite (actuelles Editions Sidwaya), Conseiller technique au Ministère de l’Information, journaliste à la Présidence du Faso, puis Rédacteur en Chef de la Radio nationale du Burkina (RNB). C’est donc de la radio que je suis parti vers le large le matin du 16 mai 1986. Je partais, l’âme saturée de tristesse et d’exaspération.

J’avais compris que je n’avais pas ma place dans cette RDP que j’avais pourtant soutenue au début avec conviction car ses idéaux étaient nobles et ses hiérarques y croyaient fermement. Mais la RDP a été dévoyée à la base, des individus s’en sont servis comme d’un instrument pour prendre leur revanche sur ceux qu’ils connaissaient, détestaient, jalousaient ou enviaient. Et les plus visés étaient les "has been" dont il fallait humilier certains. Et pour y échapper, il fallait avoir ses entrées au secrétariat général des Comités de défense de la révolution (CDR) ou applaudir très fort toutes les inepties qui se déclamaient lors des Assemblées générales de service, même quand on n’y croyait pas. Pour mon malheur, je ne sais pas faire semblant. A l’époque, beaucoup de gens faisaient l’âne pour avoir du foin. Ce n’est pas dans ma nature. Tout ceci pour vous dire que lorsque je suis parti, j’ai chômé à peine dix jours. Je lisais chaque jour Fraternité Matin. C’est ainsi que tour à tour j’ai eu l’opportunité d’être embauché au magazine « Stratégies économiques », à « Fraternité Hebdo » puis enfin, après un test serré, au magazine panafricain « Voix d’Afrique » dont je serai peu de temps après, le Rédacteur en Chef.

« Voix d’Afrique » avait ses bureaux à Abidjan au Plateau, mais était édité à Paris, ville à partir de laquelle il était distribué sur toute l’Afrique, notamment francophone. Inutile de vous dire que les salaires étaient consistants et les avantages, nombreux et intéressants. Puis, pendant que j’étais en exil à Abidjan, où ma famille m’a rejoint quelques mois après, ma maison à la Patte d’oie qui avait été occupée entre-temps par les CDR, fut libérée après le 15 octobre 1987 ; elle eut un locataire. Peu de temps après mon départ en exil, la villa de Bobo-Dioulasso en zone résidentielle fut elle aussi prise en location par un expatrié. J’y ai vu un signe divin. Et mon salaire à Abidjan, multipliait par plus de cinq, mon salaire de cadre de la Fonction publique burkinabè. Cumul de loyers donc sur des années, plus salaire abidjanais, l’épargne se substantialisait et ouvrait progressivement les portes du rêve : le rêve du retour, un jour, au pays natal, avec un projet en main. Comme vous le voyez, pendant mon exil, je n’ai pas joué à la cigale mais plutôt à la fourmi, porté par un esprit de sacrifice qui réprimait souvent toute tendance à la bamboula.

Je crois que je suis fondé à dire qu’après Dieu, c’est la révolution qui m’a donné les moyens de créer « Le Pays ». Car sans la révolution, il n’y aurait pas eu d’exil. Et sans exil, il n’y aurait point eu de "Pays". Mais tout cela, c’est le passé et je n’en veux à personne. L’orage d’hier est passé avec son froid et ses roulements de tonnerre. C’était peut-être la coupe que me tendaient les cieux. Mais ceux-ci n’ont pas voulu que je la boive jusqu’à la lie puisqu’ils m’avaient sorti de la logique du suicide. De tous mes tourments, je retiens trois leçons : première leçon : « celui qui n’a jamais souffert est indigne du bonheur » comme le disent les anciens ; deuxième leçon : ne jalousez jamais quelqu’un dont vous pensez qu’il a réussi et dont vous ignorez tout de l’histoire ; troisième leçon : c’est seulement dans la souffrance qu’on connaît mieux les humains.

Quel est le secret de votre réussite ?

Parce que vous pensez que j’ai réussi ? Je ne me considère pas comme un homme qui a réussi. Je considère que l’entreprise de presse, slalomant chaque jour à travers des difficultés de tous ordres, continue son chemin. Un chemin dont on ignore tout de la fin. Dans notre métier, le combat est permanent, sans trêve et sans épilogue. Le jour où vous considérez que vous avez réussi, c’est le déclin qui commence. La rigueur et la discipline seront donc maintenues. Tous ceux qui ne peuvent pas se départir de la culture de la pagaille et du moindre effort ont toujours su et savent qu’ ils n’ont pas leur place au "Pays". On ne peut rien construire de viable et de durable dans le farniente et l’indiscipline.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées jusque-là ?

Les difficultés sont de plusieurs ordres : économiques, financiers, sociaux et culturels. Savez-vous que le Burkina Faso est le seul pays de la sous-région et sans doute de l’Afrique où un quotidien se vend à 200 F CFA ? Mais nous y sommes contraints en raison du faible revenu économique des lecteurs. Et pourtant, du fait de notre continentalité, de notre éloignement des côtes maritimes, le papier journal, les plaques, les calques, etc. coûtent deux à trois fois plus cher que dans les pays côtiers voisins où un quotidien de huit (8) pages se vend entre 300 et 400 F et où la page de publicité coûte entre 500 000 et 700 000 F contre 150 000 à 250 000 F au Burkina. Par ailleurs, en dépit du caractère particulier de son objet (informer, éduquer, conscientiser, accompagner l’ancrage démocratique, etc.) la presse subit la même pression fiscale que n’importe quelle manufacture de marchandises. Je crois que les associations professionnelles des médias et plus généralement tous ceux qui croient aux vertus de la presse dans un processus démocratique sincèrement voulu, ont engagé un plaidoyer en vue de trouver une fiscalité spécifique aux médias, comme dans certains pays africains.

Etes-vous satisfait de l’ouvrage ?

Je vous renvoie à la réponse sur la quatrième question. En dépit de tous les efforts consentis par tous les agents que je félicite au demeurant, je pense qu’on peut toujours mieux faire. Il ne faut jamais cesser de tendre vers la perfection même si la perfection est humainement inaccessible.

L’environnement burkinabè est-il favorable à l’existence de la presse ?

Un aspect de l’environnement dont on peut dire qu’il est favorable à l’existence de la presse, est celui juridique. De plus en plus, la liberté de la presse est une réalité au Burkina Faso. Mais cet aspect peut être davantage amélioré à travers entre autres le Code de l’information. Les autres aspects de l’environnement sont liés à notre niveau démocratique, à notre culture, à notre mentalité, à notre pouvoir d’achat, à notre taux d’alphabétisation et de scolarisation. Ces aspects ne sont pas toujours favorables à un véritable épanouissement de la presse. Par exemple, savez-vous que nous sommes dans un pays où on est très content quand la presse critique le voisin ? Mais quand c’est votre tour d’être critiqué, vous entrez dans une sainte colère contre l’organe de presse. En la matière, la tolérance est quasiment zéro et ceci aussi est lié à notre culture, à notre niveau démocratique. Les gens ont une sensibilité à fleur de peau y compris même des journalistes dont la fonction est pourtant de critiquer. Curieusement, ce sont les grands responsables qui présentent une carapace dure face à la critique dont ils s’émeuvent rarement, au contraire des petits responsables, prompts à trembler pour leur fauteuil ou pour leur honorabilité. Ces derniers oublient souvent qu’une mise au point ou un démenti est plus productif qu’un procès qui ne peut qu’ameuter toute la cité, voire tout le pays.

Quel jugement portez-vous sur la presse burkinabè dans son ensemble ? La presse burkinabè a une bonne tenue. Elle fait tout pour être à cheval sur l’éthique et la déontologie. Il y a de temps en temps des manquements comme on peut le comprendre mais globalement, c’est une presse responsable, soucieuse de sa propre image. Je crois que les différentes activités pédagogiques du Conseil supérieur de la communication (CSC) ont, au fil du temps, impacté très positivement le comportement professionnel des hommes et femmes des médias. En outre, les nombreux panels, conférences, communications, etc. sur les médias, suivis de débats de qualité, tout cela joue favorablement sur la compréhension et l’exercice du métier de journaliste.

Vous êtes fondateur d’un journal mais également co-fondateur de l’ONAP. Que devient cet organe d’autorégulation ?

En effet, en mars 2000, nous avons, des camarades journalistes et moi, fondé un organe d’autorégulation nommé Observatoire national de la presse (ONAP). J’ai eu l’honneur d’en être le premier président. Je puis dire que les camarades et moi avons bien travaillé. Un travail qui a consisté à donner ou faire donner des conférences suivies de débats et portant sur le métier de journaliste, à apprécier les prestations des journalistes, à publier des communiqués didactiques lorsque des manquements étaient constatés, à s’interposer pour jouer les médiateurs entre les organes de presse et des plaignants en diffamation pour éviter des procès, à participer à des conférences sur les structures d’autorégulation en Afrique, etc. Notre action venait en appoint à celle du CSC dont nous bénéficiions du soutien moral. Né à la suite de deux assemblées générales précédées de communiqués dans les organes, la structure d’autorégulation a été reprochée d’être non consensuelle. Nous en avions pris bonne note et en mai 2004, nous avons statutairement passé le relais à un nouveau bureau élu au Centre national de presse Norbert Zongo, par une assemblée générale qui représentait cette fois-ci plus largement les organes de presse. Malheureusement, depuis cette date, l’ONAP est aphone, inaudible et invisible. Chacun peut aujourd’hui tirer les leçons. En tout cas, au regard de son bilan, l’ancien bureau (un bureau-pionnier s’il en est), n’a pas démérité, loin s’en faut.

Quelles sont vos relations avec les politiciens du Burkina ? Y a-t-il jamais eu des tentatives d’intimidation de leur part ?

Je n’ai aucune relation particulière avec les politiciens. Par expérience, je sais que les journalistes, du fait de leur proximité sur le terrain avec les hommes politiques, se font plus d’amis et de relations que la grande majorité des directeurs d’organes. Ce n’est pas mauvais si ces relations ne dévoient pas, n’altèrent pas la ligne éditoriale. Je n’ai jamais subi de pressions de quelque provenance ou de quelque nature que ce soit. Je crois qu’aujourd’hui, tout le monde est convaincu de la bonne foi, du sérieux et de l’esprit non partisan du quotidien « Le Pays ». C’est peut-être ceci qui explique cela. Il n’en a pas toujours été ainsi car au début, dans les trois premières années, les rumeurs les plus fantaisistes ont circulé, disant tantôt que le journal était financé par l’ODP/MT, tantôt par le RDA. Puis à partir de décembre 1998, l’on disait que « Le Pays » était financé par le Collectif des organisations démocratiques de masse, bref, Ouaga la rumeur était dans tous ses états.

Certains ont même pu avancer que c’était le gouvernement ivoirien, par l’entregent de Laurent Dona Fologo, qui était derrière « Le Pays ». Boniments que tout cela ! Dans cette perception des choses, se cache une mentalité burkinabè : l’incapacité du Burkinabè à bâtir tout seul une œuvre digne de ce nom ; il faut absolument qu’il y ait quelqu’un derrière lui. Pauvre de nous ! Après nous avoir donc enfermés dans plusieurs chapelles sans fenêtre, les Burkinabè reconnaissent enfin que « Le Pays » est un journal impartial, indépendant de tout courant ou groupe politique ou économique, sans esprit d’a priori ni de parti pris, et qui n’aime pas tremper sa plume dans l’encre boueuse des « trois M(1) » selon l’expression d’une célèbre personnalité de notre pays.

Les journaux sont souvent l’objet de procès en diffamation. « Le Pays » n’y échappe pas. En avez-vous perdu beaucoup ?

D’abord je vais vous dire que les procès en diffamation sont consubstantiels à la presse. Il ne faut donc pas en faire un plat quand cela arrive. Toutefois, il y a des procès qui sont révélateurs des insuffisances professionnelles de l’organe. C’est cela surtout qu’il faut éviter, en travaillant la dimension formation, que celle-ci soit sur le tas ou à l’école. En ce qui concerne « Le Pays », il a fait l’objet de plusieurs procès en diffamation. En vingt ans, nous en avons eu six. Certains ne sont pas allés jusqu’au bout, du fait des retraits des plaintes. Sur les six, nous en avons perdu un seul. En ce vingtième anniversaire, qu’il me soit permis de saluer la perspicacité de notre Conseil, Me Coulibaly et le fair-play des juges. Je voudrais aussi dire ici, en tant que Fondateur du « Pays », que je suis sans rancune vis-à-vis de tous ceux qui nous ont amenés à la barre. Ils étaient dans tous leurs droits. D’ailleurs, quand on se rencontre dans la vie courante, au Burkina Faso ou ailleurs, nous nous saluons bien et nous nous manifestons réciproquement des sentiments d’amitié et de fraternité.

L’Administration des Editions « Le Pays » est passée entre les mains de Cheick Beldh’or qui se trouve être votre fils. Qui est le nouveau Directeur Général ?

Cette question s’adresse beaucoup plus au Directeur Général. Toutefois, je peux dire que ce n’est pas un étranger de la maison. Etudiant, il passait ses stages dans l’entreprise. Je rappelle qu’il a fait de la sociologie à Abidjan et fréquenté ensuite l’Institut supérieur des sciences de l’information et de communication (ISSIC) où il en est sorti avec un DESJ (Diplôme d’études supérieures en journalisme, option presse écrite). Avant d’être Directeur Général, il a été Directeur Général Adjoint.

Quelles sont vos occupations en tant que Fondateur ?

Pas grand-chose. Mais je reste en embuscade. La presse écrite est un domaine si sensible et les gens si féroces. Le nouveau Directeur Général a, sans doute, pendant un certain temps encore, besoin de mon expérience et de mes conseils. Je dois lui éviter le sort de la chèvre de M. Seguin. Je suis parfois aussi consulté sur certaines questions par des gens de l’extérieur. Il m’arrive de temps à autre de faire une communication sur les médias. Enfin de temps en temps, j’écris, mais pas forcément pour « Le Pays ».

Quels sont les projets des Editions « Le Pays » ?

Le seul projet que nous ayons, c’est de toujours consolider l’existant. Dans notre métier, on a à peine le temps de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur. Il faut toujours regarder devant soi. Il faut tout le temps être au charbon, l’appel du devoir étant constant. Il n’y a pas d’été indien dans un quotidien évoluant dans un pays en construction démocratique comme le nôtre.

Vous avez plus de trente ans de métier, vous avez fait le terrain, eu des responsabilités dans l’administration d’Etat, et donné de nombreuses conférences sur les médias aussi bien au Burkina qu’à l’extérieur. Quels conseils donnez-vous à vos cadets qui sont dans le métier ou qui veulent y entrer ?

L’humilité, l’honnêteté et une conscience responsable. Napoléon disait en substance que deux journaux font plus de mal que mille baïonnettes. C’est vous dire toute l’importance de la presse. C’est une arme qui peut être mise à la disposition du bien comme du mal. La presse a donc besoin d’acteurs éduqués mais surtout instruits, conscients de leurs responsabilités dans la cité. Et quand je parle d’humilité, je parle de celle qui consiste à être toujours égal à soi-même, à ne pas avoir la grosse tête, à souvent se remettre en cause, à croire qu’on n’a jamais fini d’apprendre. Il faut aussi chercher en permanence à se cultiver car le journalisme est indissociable de la culture. Enfin, l’honnêteté et la bonne foi doivent être le ciment de l’approche journalistique. L’objectivité est certes une belle vertu ; mais elle est aussi une belle dame qui peut, à tout moment, prendre les couleurs de la subjectivité consciente.

Propos recueillis par Abdoulaye TAO

Le Pays