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TIC : Des technologies "blaguer-tuer"

mardi 13 octobre 2009

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Le téléphone cellulaire, l’Internet et les cartes automatiques de banque peinent à trouver pleinement leur place dans le progrès du Burkina Faso et le bien-être de ses populations. Soit ces technologies de l’information et de la communication (TIC) demeurent un luxe à cause de leurs coûts d’achat ou d’exploitation, soit elles s’entourent de caprices dénuant leurs caractères de fiabilité et de rapidité. Pourtant, elles sont si avancées dans la plupart des pays de la planète qu’elles se sont aujourd’hui débarrassées de leur qualificatif de "Nouvelles".


Ces technologies continuent de balbutier au « Pays des hommes intègres ». C’est vrai que des villages reculés sont connectés, les abonnements et les puces s’offrent pour des brouilles et les portables "dubaïsés et chinoisés" à la portée d’un grand nombre. Mais le prix à payer (s’alimenter en unités) pour entretenir ce précieux outil de communication contraint les Burkinabè à ne pas réellement profiter des prouesses des TIC plus d’une décennie après leur apparition. La contribution de ces innovations au développement se situe bien en-deçà des attentes. Elles tiennent des milliers d’usagers dans un engrenage de pauvreté au lieu de les en défaire, grâce à l’utilisation des produits technologiques pour améliorer la rentabilité de leurs activités. Pris entre l’étau d’une tarification trop élevée et d’un réseau moribond, les opérateurs de téléphonie mobile, les fournisseurs d’accès à Internet et les banques ne se soucient pas suffisamment de la promotion des affaires et de l’amélioration des conditions par le biais de leurs prestations. Les rétributions exorbitantes ne reflètent pas tous les avantages de la plénitude technologique du service.

Les clients constatent avec amertume que ni les prix, ni la qualité du service ne s’améliorent guère. Au grand dam d’un département ministériel de tutelle très souvent aphone, la médiocrité s’affirme de plus belle ces derniers temps. « L’âne laisse le cheval courir », est l’adage qui sied à la concurrence entre le chèque et la carte bancaire, entre le fixe et le cellulaire, entre le fax et l’Internet. Le Burkina Faso dont le réseau téléphonique filaire a été longtemps présenté comme l’un des plus performants de la sous-région est aujourd’hui relégué en queue de peloton de la technologie. La rapidité tant recherchée des messages, des appels et des opérations bancaires reste un leurre. La connexion à Internet, la communication via la téléphonie mobile, le retrait automatique d’argent apparaissent laborieux. Les différentes formules publicitaires ne sont que des trompe-l’œil. Et les bonus proposés à tout vent, des « attrape-nigaud ». C’est en cette période-là même que le désordre s’installe de plus belle, empêchant toute communication. Approvisionner son portable en unités, consulter son solde relèvent parfois de la croix et la bannière.

Des portables ne sont en réalité que des objets de snobisme, de mimétisme ou d’admiration. Des boîtes vides sans unités ou des pince-boutons réduits aux strictes écritures et envois de messages. « Le net chez soi », relève aussi d’un exploit social. Ce n’est pas rare de voir l’expéditeur devancer à vélo ou à moto son « Short message service » (SMS) chez le destinataire. Si ce ne sont pas des « Allo » unilatéraux propres à un dialogue de sourds qui s’installent entre deux usagers, les appels s’interrompent sans aucune autre forme de procès bien que le comptage continue.

Les supports de multimédia (ordinateurs, clés USB, abonnement) coûtent des yeux à la tête mais les rares Burkinabè disposant du Net sont fréquemment confrontés à des difficultés de connexion à tel point qu’à la survenue d’un retard dans les échanges, leurs correspondants étrangers tombent des nues devant des excuses pareilles : « Le Net n’est pas si net chez nous ». Cette ironie et cet abus dépeignent la défectuosité du réseau et l’incapacité des opérateurs à adapter leurs installations à la gestion optimale d’une clientèle sans cesse croissante.

Des sociétés et des activités sont ainsi fréquemment paralysées. La différence des coûts entre les opérateurs et l’improbabilité des réseaux obligent les consommateurs à utiliser plusieurs portables avec différentes puces et diverses formules du Net pour rechercher les coûts avantageux, mais surtout pour jouer à la loterie sur la fiabilité temporaire d’un réseau. Communiquer au Faso coûte non seulement de la quinine mais aussi le service est au rabais. Des Burkinabè qui ont eu la chance de franchir les frontières se rendent bien compte des abus d’un progrès à reculons. Il est indéniable que leur pays pratique les prix les plus élevés de la sous-région pour des services bien en-deçà. L’on n’hésite pas à trouver en la fibre optique ou au satellite, des alibis pour divertir les profanes en télécommunications.

Les câbles tant attendus des côtes maritimes n’atteignent jamais leur terminus. Comme si cela ne suffit pas, l’on accuse des délinquants de les avoir sectionnés à deux mètres sous terre. Les technologies ne bénéficient pas vraiment dans ce pays de l’investissement mirobolant, annoncé çà et là, à l’implantation des opérateurs, en vue d’assurer une croissance soutenue et efficience. « A qui profite donc la croissance de plus en plus importante et les forts bénéfices réalisés dans le secteur de ces technologies ? ». Aux différents opérateurs qui se frottent les mains au détriment d’une population devenue un réceptacle. Ailleurs dans la sous-région, des pêcheurs discutent depuis leur barque du prix du poisson à l’aide du portable ou de l’ordinateur avec les commerçantes installées dans les différents marchés. Les maraîcherculteurs locaux sont encore loin de s’offrir le luxe d’une telle bourse virtuelle.

« A quoi sert une technologie si elle ne participe pas au développement et au progrès du pays, ainsi qu’au bien-être des populations ? ». Le Burkina Faso est l’un des rares pays ouest-africains à avoir octroyé des licences d’exploitation de la téléphonie mobile à moins de dix milliards F CFA chacune. Sans fondamentalement connaître le contenu exact des cahiers des charges, leur respect semble uniquement se cantonner sur une expansion de la couverture territoriale et sur une multiplication du nombre d’abonnés, ignorant royalement la qualité des réseaux. Un essor sans essence.

Toutes les facilités accordées par les pouvoirs publics dans un souci de promotion du secteur privé et de l’Investissement direct étranger (IDE) buttent sur une trahison passive des opérateurs vis-à-vis du processus de développement et du bien-être des populations. Les associations de défense des droits des consommateurs devraient inscrire l’obligation de transparence dans les modes de tarification et l’exigence de la qualité du service dans leurs préoccupations. Parce qu’il y a des réalités dans les activités des sociétés vendant les technologies, dont on ne peut aujourd’hui se soustraire, qui s’apparentent à de l’escroquerie.

Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya