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Burkina / Média : « Tout travail d’un journaliste doit aboutir à un écrit », Charles Kiendrébéogo, journaliste-chroniqueur à la radio nationale

mardi 2 avril 2024

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Grâce à Charles Kiendrébéogo, la flamme des chroniques société ne s’est pas éteinte avec le regretté Réné Sebgo, qui en était le véritable animateur. Depuis 2015, il anime cette rubrique et l’émission ‘’En toute vérité’’ sur les ondes de la radio nationale. Auteur de livres, il indique que le travail de tout journaliste doit aboutir à un écrit. C’est pour cette raison qu’il prépare la dédicace de son deuxième ouvrage intitulé ‘’J’ai croqué l’actualité sur radio Burkina’’. Dans cette interview, il nous parle de ses débuts à la radio jusqu’à l’animation des deux émissions mais aussi de la sortie de son livre.


Lefaso.net : Que peut-on retenir du parcours de Charles Kiendrébéogo qui l’a conduit au journalisme ?

Charles Kiendrébéogo : Au début, j’avoue que je n’étais pas destiné au journalisme. J’ai fait anglais à l’université de Ouagadougou. C’est à la deuxième année que j’ai passé le concours pour être journaliste. C’est ainsi que je me suis retrouvé au Centre de formation des professionnels de l’information (CFPI) devenu aujourd’hui l’Institut des sciences et techniques de l’information et de la communication (ISTIC). Je cumulais les deux. Pendant que je continuais les cours à l’université, je faisais la formation en journalisme. Nous sommes sortis en 2005 et j’ai été affecté au ministère de la Communication où j’y ai fait quelques temps avant de demander à rejoindre un organe de presse.

On m’a envoyé à la radio rurale en 2006. Entre 2010-2012, j’ai été rédacteur en chef de la Radio rurale. Puis est intervenue la fermeture de la Radio rurale et nous avons été ramenés à la Radio nationale. J’ai exercé en tant que journaliste reporter et présentateur de journal et au bout d’un certain temps, j’ai demandé à aller à la production. Depuis 2015, j’ai commencé les émissions ‘’En toute vérité’’ et les ‘’chroniques société’’.

Qu’est-ce qui explique ce choix pour le journalisme alors que vous aviez entrepris des études en langues, notamment en anglais ?

Comme tout jeune à l’époque, on cherchait à se faire employer. C’est ainsi que j’ai postulé au concours de recrutement des journalistes. Je pense que mon vœu a été exaucé.

Votre chronique société vous a beaucoup révélé aux auditeurs de la Radio nationale. D’où puisez -vous cette inspiration qui vous permet de tenir ce rendez-vous hebdomadaire sur la radio ?

Avant de répondre à votre question, permettez-moi de rendre hommage à une personne. Quand on parle de chronique société, on ne peut pas ne pas rendre hommage à un grand nom, en l’occurrence Réné Sebgo, que nous sommes venus trouver à la radio. C’est lui qui faisait les chroniques société. Je l’écoutais beaucoup quand j’étais à l’école de formation. C’est d’ailleurs à partir de cette période que je me suis intéressé à ce genre puisqu’on le faisait aussi à l’antenne expérimentale à l’école. Quand j’ai été finalement affecté à la radio, je suis venu trouver Réné Sebgo sur le terrain. Je me suis inspiré de lui. Au début, je faisais des chroniques pour Canal arc-en-ciel.

En fait, la chronique société, c’est avoir un œil sur la société, ouvrir l’œil et voir les petits détails que les autres ne voient pas. Une manière de grossir les petits détails que les autres ne voient pas. Par exemple, tu peux arriver dans une cour et trouver que les gens jettent les ordures ailleurs, au lieu de les mettre à la poubelle. Cela ne leur dit peut-être pas grand-chose. Mais si tu viens leur dire qu’ils peuvent mettre les objets à la poubelle, l’attention de tout le monde sera attirée vers cela. Et l’habitude pourrait changer. C’est ainsi la chronique société : regarder la société, chercher les tares, les vices et voir comment on peut corriger les choses en y mettant de l’humour. Souvent, quand on veut faire des remarques à une personne, la manière compte. Quand vous utilisez un peu d’humour, vous pouvez dire des vérités à une personne sans la frustrer. À la fin, elle va rire mais elle comprendra par la suite que ce qui a été dit est une vérité. Il faut savoir mettre la manière, même si cela peut lui faire mal après. La chronique, c’est croquer la société. C’est une caricature qu’on fait de la société. Ce sont des faits de société. Nous les produisons à la radio et entre temps, nous en avons produits aussi pour la télévision nationale.

Et pourquoi on entend plus vos chroniques à la Télévision nationale ?

À l’origine, c’est une production radiophonique. Nous avons voulu l’adapter à la télévision. Le public a bien aimé. Mais sur le plan professionnel, la télévision donne de voir les choses. Il y a des thématiques difficiles à adapter du fait de la difficulté d’illustration. Nous avons travaillé avec des images d’archives et parfois, nous avons tourné les images nous-mêmes. Mais j’avoue que c’est parfois dangereux au regard de la sensibilité de certains sujets abordés. La chronique société se poursuit bien, sur la Radio nationale.

Pensez-vous que la chronique est valorisée encore dans nos médias ?

J’avoue que ce n’est pas un genre qui est très connu. J’entends aussi des chroniques société dans quelques radios mais ce n’est pas un genre que tout le monde embrasse. Généralement, les journalistes, ce qu’ils aiment, ce sont des reportages factuels mais ici, nous parlons parfois de choses de l’imagination. C’est une création, c’est aussi de la littérature. C’est comme si on écrivait à partir de l’imagination. Donc, c’est un travail de réflexion, un œil sur les évènements qui se passent.

Vous êtes l’animateur de l’émission ‘’En toute vérité’’. Pourquoi avez-vous choisi ce nom ?

Comme je vous le disais, j’anime cette rubrique depuis 2015. C’est un grand entretien. Au début, on a cherché un titre pour accrocher. Et on s’est dit, pourquoi ne pas prendre ce titre ‘’En toute vérité’’. Je vous avoue que le titre ne vient pas de moi, il vient d’un de mes directeurs, notamment, Évariste Combary. Le premier invité, c’était l’ancien président du Conseil supérieur de la communication (CSC), Mathias Tankoano, il était toujours avocat. C’est une émission qui a beaucoup pris parce qu’elle est venue au moment où les débats politiques étaient riches. J’avoue que presque tous les acteurs politiques y sont passés. J’ai reçu pas mal d’invités. A un moment donné, nous avons essayé de réorienter l’émission pour aller au-delà de l’actualité. Nous avons essayé de faire des découvertes sur l’histoire du pays. C’est en cela que nous avons fait une série d’émissions sur les acteurs de la révolution. Cela m’a pris du temps. C’était avant le procès Thomas Sankara puisque le sujet était encore un tabou. On voulait reconstituer le puzzle. Qu’est ce qui s’est passé pour que le drame du 15 octobre arrive ? On a essayé d’inviter des acteurs comme les Fidèle Toé, Valère Somé, Alouna Traoré et autres. Quand j’ai fini toutes ces interviews, j’ai décidé de capitaliser tout. Je les ai mis dans un bouquin. Le livre ‘’Thomas SANKARA : Les témoignages en toute vérité’’ a été publié en 2018. Au-delà de cela, on a fait d’autres recherches historiques sur des grands acteurs et grands noms du Burkina.

En plus d’être journaliste, vous portez aussi la casquette d‘écrivain. Vous avez écrit un livre et un autre sera publié bientôt. Comment arrivez-vous à conjuguer les deux métiers ?

Normalement, tout travail d’un journaliste doit aboutir à un écrit. Si tu finis le journalisme, normalement tu dois laisser quelque chose à la postérité. Regardez en Europe, les journalistes finissent par publier un livre, soit sur leur parcours soit sur des évènement qu’ils ont couverts. C’est normal, surtout pour nous qui faisons des émissions et qui avons l’occasion de rencontrer des personnalités ou d’aborder souvent des sujets assez importants sur l’histoire du pays.

En tant qu’ancien président du Reporter du Faso, quelles ont été vos luttes et comment appréciez-vous l’environnement de travail des médias de nos jours ?

Le contexte d’aujourd’hui a changé puisque sous notre gouvernance, il n’y avait pas ces crises. En tant que journaliste, on ne peut pas être un journaliste déraciné. On est un journaliste qui vit dans un pays et les problèmes du pays ne peuvent qu’intéresser le journaliste aussi. Il faut savoir que le contexte aussi compte. La liberté en temps de paix et de guerre n’est pas forcément la même chose.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre vie professionnelle en termes d’anecdotes ?

Je retiens que ce n’est pas facile souvent sur le terrain. Je me rappelle d’une de mes interviews avec Valère Somé. Je l’ai appelé pour dire que je fais une série d’émissions sur la révolution et je voudrais l’interviewer. Il m’a dit qu’il n’y a pas de problème, qu’il est à la maison. Arrivé, il me dit qu’on lui a dit de ne pas accorder l’interview mais qu’il la fera quand-même comme je suis déjà là. Il avait écrit un livre à l’époque, notamment ‘’Les Nuits froides de décembre’’, qui avait écorché un peu les tenants du pouvoir. Il a été certainement rudoyé et autour de lui, on ne voulait plus qu’il parle encore. Quand on a commencé l’interview, sur certaines questions, il s’est mis à pleurer. C’était émouvant !

J’ai rencontré aussi To Finley à la cantine de l’aéroport. Nous avons fait l’interview au milieu des gens. Il est revenu sur tout son parcours, sa période de gloire, son mariage pompeux aux États-Unis et autres aspects de sa vie. A la fin, je lui ai posé la question pourquoi To Finley a chuté après tout cela ? Quand il a commencé à raconter, je n’ai pas pu tenir mes larmes. C’était émouvant. Ce sont des expériences que l’on vit en tant que journaliste. L’émission a remporté un galian et nous avons partagé ce prix avec cet artiste.

Comment appréciez-vous le travail de vos jeunes frères et sœurs journalistes aujourd’hui ? Il se dit qu’il y a un manque d’engagement, vous le pensez-aussi ?

Je ne pense pas qu’ils manquent d’engagement mais d’encadrement. Tout dépend du profil de certains journalistes, parce que nous ne sommes pas tous venus de la même manière. Il y a ceux qui ont fait des écoles et d’autres aussi qui ont appris sur le terrain. Dans le temps, il y avait l’encadrement. A notre début à la Radio nationale, on pouvait faire pratiquement six mois sans pouvoir toucher au micro parce qu’on va d’abord t’amener à travailler ta voix. Tant que le niveau de ta voix n’est pas acceptable, tu ne passeras pas à l’antenne. Mais aujourd’hui, j’ai l’impression que les gens sont jetés en pâture quand on les écoute à la radio. Ils n’ont pas eu le temps de travailler sur leur voix et on les fait passer à l’antenne. Quand on apprend avec des erreurs, il est difficile de corriger ses manquements après. Je ne jetterais pas la pierre sur les jeunes mais, on va demander qu’il y ait plus d’encadrement et de formation à leur endroit.

Parlez-nous de votre prochain livre qui sera dédicacé bientôt.

J’ai écrit un livre sur les chroniques que je fais depuis 2015 à la radio. J’ai décidé de les mettre dans un livre pour capitaliser tout ce que je suis en train de faire. Comme on le dit, les paroles s’envolent et les écrits restent. C’est à ce titre que j’ai initié ce projet. Je suis à mon premier tome parce que je compte en faire plusieurs. Le premier est prêt. Le second est en cours. J’ai intitulé le livre ‘’J’ai croqué l’actualité sur Radio Burkina’’. Le livre a paru il y a quelques jours.

Interview réalisée par Serge Ika Ki
Lefaso.net

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