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Burkina/Radio : Dans les coulisses de l’émission "Affairage", ce canal de résolution des préoccupations citoyennes sur Ouaga FM

mercredi 27 septembre 2023

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"Affairage" est une émission interactive diffusée du lundi au vendredi sur les antennes de la radio Ouaga FM. L’émission est entièrement consacrée aux auditeurs qui y portent des préoccupations importantes et dignes d’intérêt pour permettre des changements positifs. Lefaso.net s’est invité dans les coulisses de cette émission populaire. Lisez plutôt !


Mise en onde en 2007, l’émission interactive de Ouaga FM, “Affairage” est entièrement consacrée aux auditeurs. Comme son nom l’indique, c’est une émission qui s’affaire sur le quotidien des citoyens, sur le bon ou le mauvais fonctionnement de l’administration publique et bien d’autres sujets de société. Depuis sa création, elle a connu bon nombre d’animateurs. Salif Kaboré, directeur des rédactions de Ouaga FM en est l’actuel animateur. Cet averti de la radio anime l’émission depuis un peu plus de trois ans. C’est dans les locaux de la « Radio de toutes les générations » qu’il nous a accueilli pour nous parler de son émission.

Dans son récit de la genèse de l’émission "Affairage", il nous explique que le promoteur de la radio avait envie d’innover à travers ses programmes. « A cette époque, il n’existait pas beaucoup de canaux de ce genre pour porter haut les préoccupations des gens. Il y avait pourtant des besoins au niveau des populations avec des gaps et des frustrations. Beaucoup de personnes vivaient une injustice mais n’avaient pas de canaux pour exprimer leurs besoins », raconte-t-il. Alors en 2007, les responsables de la radio prennent le temps d’avertir les autorités du projet avant de se lancer. Ils écrivent une lettre d’explication du contenu de l’émission au Premier ministre de l’époque Tertius Zongo. Ce dernier répond favorablement en les invitant à prendre des dispositions pour éviter les dérapages dans le déroulement de l’émission. C’est ainsi que commence l’aventure "Affairage" sur Ouaga FM. 

Une émission rigoureuse sur le fond et la forme

Afin de faire un suivi, tous les appels sont répertoriés dans un cahier tous les matins pendant l’émission. Les numéros sont systématiquement relevés avant de porter les appels sur l’antenne. « C’est une fois le numéro relevé que nous passons l’auditeur à l’antenne », explique l’animateur. Ce processus, permet de contacter l’auditeur en cas de besoin. « Si par exemple la police ou la gendarmerie sont interpellées, elles auront besoin de plus d’informations pour agir sur le terrain. Et là, en accord avec l’appelant, nous pouvons transmettre le contact qui a été noté dans le registre », souligne-t-il.

Pour cette émission qui dure 30 minutes, une quinzaine d’appels est reçue en moyenne. Le temps étant assez court, l’animateur travaille à ce que les auditeurs synthétisent leurs préoccupations. « Il y a beaucoup de plaintes chez les populations et les gens demandent que l’on puisse augmenter le temps de l’émission », révèle Salif Kaboré.

Des auditeurs fidèles et réguliers

Ce qu’il faut relever sur le profil des appelants de "Affairage", c’est qu’ils sont fidèles et réguliers à l’émission. Ceux que nous avons pu joindre par téléphone nous affirment qu’ils écoutent cette émission depuis belle lurette. C’est le cas de Daouda Savadogo, particulier dans le secteur du BTP qui suit cette émission depuis la création de la radio. « J’ai toujours été quelqu’un qui intervient dans les radios internationales avant même que les émissions interactives ne naissent au Burkina. Ce qui me motive à intervenir, c’est le fait que les animateurs soient très sérieux. Ce sont presque des éducateurs parce que souvent, nous dérapons mais ils nous recadrent. En plus, c’est une forme de baromètre social », explique l’auditeur.

Pour lui qui a maintes fois appelé, il trouve que c’est le meilleur moyen de toucher les personnes habilitées à résoudre des situations. Il fait ressortir une pile de problèmes qu’il a exposés et dont il se sent fier d’avoir participé à les résoudre par le biais de l’émission. « J’ai vu beaucoup de changements suite à mes interpellations. Par exemple, au niveau de la prison civile de Ouagadougou, quand on partait voir un proche, nous étions obligés d’être debouts, sans hangar ni chaises. Lorsque j’ai appelé, le surlendemain, ils ont mis un hangar et des chaises. Il y a pas mal de problèmes que j’ai dénoncés qui ont été réglés. L’ONEA m’a transféré un numéro spécial grâce à Ouaga FM pour être un relais en cas de besoin. »

Dame Judith Ouédraogo/Bambara, elle aussi fidèle à l’émission depuis ses débuts, trouve que c’est un canal pratique pour se faire entendre. Elle indique qu’au début, elle préférait plutôt envoyer des mails pour exprimer ses préoccupations. C’est avec le temps qu’elle a opté pour le téléphone. « Quand on observe la société, il y a beaucoup à faire mais l’autorité ne peut pas nous accompagner si elle n’est pas au parfum de nos difficultés » a-t-elle dit.

A titre d’exemple, elle confie une situation récente qui a été solutionnée grâce à "Affairage". « Suite à nos appels et à nos interpellations concernant la voie du quartier Nagrin, elle a été grattée et est actuellement plus praticable qu’avant », assure Judith Ouédraogo/Bambara. Cette auditrice bien connue de l’émission suggère que dans chaque ministère ou institution il y ait une équipe de deux ou trois personnes chargées de collecter et de trier les problèmes soulevés à l’émission "Affairage". Selon elle, cela permettra de mieux régler les choses car les citoyens n’ont pas accès aux autorités pour présenter leurs doléances.

“Il n’y a pas de secret, il faut être professionnel, régulier et ponctuel”

A la question de savoir quel est le secret de l’émission, Salif Kaboré souligne qu’il n’y en a pas. « Il faut être professionnel, régulier et ponctuel », souligne-t-il. Ce sont, selon lui, autant d’éléments qui leur permettent de tirer leur épingle du jeu malgré les années. « Quand les préoccupations sont sérieuses et que les auditeurs sont disciplinés, il n’y a pas de raison que les auditeurs ne fassent pas de l’émission leur canal », nous fait savoir Salif Kaboré. Pour lui, en résumé, la popularité de l’émission réside dans le sérieux avec lequel elle est animée.

En dépit des difficultés, parce qu’il y en a, il arrive à sensibiliser et à rattraper les manquements afin d’éviter tout désordre. Il y a aussi le fait que les préoccupations sont très souvent prises en compte par l’autorité ou les interpellés. « Ils sont très nombreux, les gens qui écoutent l’émission, qui notent et qui rendent compte à l’autorité. La preuve en est que beaucoup d’auditeurs, par rapport à leurs préoccupations, reviennent à l’antenne pour dire que le point soulevé auparavant a trouvé une solution. C’est ce qui donne envie aux autres de venir exposer leurs problèmes et préoccupations citoyennes », explique le directeur des rédactions de Ouaga FM. 

« Jusqu’ici nous avons su limiter les dérapages »

Toutes les émissions interactives sont soumises à un cahier de charges par le Conseil supérieur de la communication (CSC). "Affairage" ne déroge pas à la règle. Étant une émission diffusée en direct, il est parfois difficile de tout maîtriser. « En journalisme, on dit que le direct est méchant et ici c’est une émission où les gens interviennent en direct. Tout de suite, quand l’auditeur commence une phrase, nous devons être capables de savoir où il va en venir », indique l’animateur ajoutant que ce sont des petits rudiments qui peuvent permettre d’éviter les dérapages à l’antenne.

Il faut dire que l’animateur maîtrise son émission et essaie donc de faire le maximum pour ne pas transgresser les règles établies en matière de communication. Et pour le moment ça se passe plutôt bien : la radio a souvent été interpellée par le CSC de façon globale, mais la plupart du temps quand il y a des manquements, des solutions sont trouvées.

En dehors de l’organe de régulation, l’émission, parfois, fait face à des cas de plaintes de citoyens. « Nous faisons face à des cas où des auditeurs font des dénonciations et certains qui se sentent indexés portent plainte à la gendarmerie ou au commissariat. J’ai des dossiers ici de gendarmerie et de commissariat que nous avons géré et que nous gérons », dit-il en indexant un dossier dans une chemise.

Dans tous les cas, la solution à l’amiable est toujours priorisée. « Je tire mon chapeau aux auditeurs qui comprennent de plus en plus l’intérêt d’intervenir de façon responsable pour trouver des solutions aux préoccupations. Jusqu’ici nous essayons de limiter les dérapages », se réjouit-il pour conclure.

Farida Thiombiano
Lefaso.net

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