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Burkina/Employabilité des jeunes et technologies : Younoussa Sanfo lance un centre de formations innovantes de courte durée

Lefaso.net

lundi 11 septembre 2023

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L’expert en sécurité cyber sécuritaire et en investigation numérique Younoussa Sanfo veut révéler des talents. A travers son centre Horuslabs, il veut offrir la chance aux jeunes qui n’ont pas de diplôme universitaire de prendre leur destin en main et devenir des acteurs majeurs du développement technologique du Burkina Faso.
Entretien !


Lefaso.net : Présentez-vous à ceux d’entre nos lecteurs qui vous découvrent pour la première fois ?

Younoussa Sanfo : Je suis Younoussa Sanfo, expert en cybersécurité et en investigation numérique. Et je dirige le laboratoire HorusLabs, qui est un laboratoire multi-compétences : investigation numérique, intelligence artificielle, technologies, drones et cybersécurité.

Vous proposez aux jeunes sans diplôme des formations variées dans le domaine des technologies. De quoi s’agit-il exactement ?

C’est le projet d’un centre de formation, un centre de formation spécifique. Nous proposons des formations à des jeunes qui n’ont pas eu la chance d’avoir un diplôme. Ces jeunes existent et ils sont nombreux. Ils sont allés à l’école jusqu’au secondaire, mais ils n’ont pas eu le Bac. À notre époque, avec un BEPC, on pouvait prétendre à un emploi. Aujourd’hui, le niveau est monté et il faut le Bac. Donc, ceux qui n’ont pas le Bac auront des difficultés pour prétendre à certains concours. Alors nous proposons à ces jeunes de leur apprendre un métier. Notre particularité, c’est que la formation est de courte durée. Entre trois et six mois, nous apprenons un métier aux jeunes qui ont un niveau secondaire, de la troisième à la terminale. Ils sont nombreux ces jeunes-là. Et de toute façon, c’est notre cible primaire. Ce sont ces jeunes-là qui nous intéressent en priorité.

Quelles sont les formations que vous dispensez ?

Nous avons douze types de formations. Ces formations conduisent à des métiers. Ces douze métiers sont tous des métiers innovants. Pour la plupart, il y a dix ans, ces métiers n’existaient pas. Donc, aujourd’hui, nous manquons de personnel. Les pays africains manquent de personnel pour ces types de métiers.

Le premier, c’est l’agent de sécurité numérique (ASN). Un ASN, c’est un jeune qui a le niveau que je vous ai décrit tout à l’heure à qui on va administrer une formation et à la fin, qui sera capable de sécuriser une petite entreprise de cinq à dix personnes. L’agent de sécurité numérique peut aider une entreprise qui vient d’être créée à installer les ordinateurs et à sécuriser les téléphones de manière à éviter tous les déboires liés à la présence de l’entreprise sur Internet ou même en dehors d’Internet. Il s’agit de protéger les données, de bien effectuer les sauvegardes et de bien installer les antivirus. S’il y a un firewall, il sera bien installé et l’agent de sécurité numérique sait faire tout cela.

Ça évite à une entreprise qui vient de se créer ou à une entreprise qui n’a pas des gros moyens de recourir à un expert. Moi, je suis expert en cybersécurité. Si une entreprise veut mes services, ça va lui coûter un million de francs CFA par jour. Si je travaille 10 jours pour une entreprise, eh bien, l’entreprise doit payer 10 millions de francs CFA, en hors taxe. Donc, ce n’est pas accessible à la plupart des entreprises. Et l’agent de sécurité numérique servira à cela.

Nous avons des pilotes de drones. Nos pilotes de drones sont particuliers. En général, une formation de pilotes de drone dure entre cinq et huit jours. Pourquoi nous faisons trois mois de formation ? Parce que le pilote de drone, non seulement saura piloter, mais il saura réparer le drone. Il saura faire la maintenance du drone. Il sera capable de faire la maintenance d’une flotte de drones. C’est-à-dire que dans une entreprise qui a dix drones, ce pilote pourra, en même temps, administrer ces drones, les maintenir et les réparer et, en cas de besoin, les faire évoluer. C’est pour cela que la formation va durer trois mois.

Un nouveau métier, enquêteur web. Ça n’existe quasiment pas. L’enquêteur web, c’est un jeune qui sait comment fonctionne Internet, qui sait comment fonctionnent les réseaux sociaux et les autres types de réseaux. Et il sait comment un compte doit être sécurisé. Eh bien, il va être celui qui sait rechercher les failles ou les personnes qui ont pris le contrôle du compte d’autres personnes. L’enquêteur web est capable de trouver des preuves sur Internet. Il est capable de trouver des informations pour montrer comment un compte, par exemple, a été piraté. Bien sûr que ce type de formation est très délicat. Un enquêteur web ne pourra pas travailler à son compte. Il faut qu’il soit récupéré par des services spécifiques : la justice, les forces de l’ordre et certaines entreprises ou bien certaines organisations comme l’ASCE-LC (Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption), qui peuvent avoir besoin d’un enquêteur web.

Nous formons également des techniciens en énergie solaire, des roboticiens électriciens, des analystes de données sensibles, des auditeurs de vulnérabilité, des spécialistes de systèmes sécurisés, conception et maintenance de systèmes physiques. Nous formons l’officier de sécurité numérique. L’officier de sécurité numérique, c’est l’agent de sécurité numérique qui a grandi. Lui, il peut aller encore plus loin dans les investigations.

Il y a également le responsable de la sécurité du système d’information : pour cela, il vaut mieux avoir un Bac ou un Bac plus, parce que c’est le responsable de la sécurité au sein d’une entreprise. Et nous, en six mois, on lui apprend tout ce qu’il faut pour être le responsable de la sécurité, même d’une entreprise sensible comme une banque.

Y a-t-il des prérequis à avoir pour participer à ces formations ?

Lorsque nous recevons ces jeunes, nous leur faisons passer quand même un test de niveau. Pour certains de ces jeunes, peut-être qu’il va falloir leur faire une mise à niveau. La mise à niveau ne doit pas excéder deux mois. Et après ces deux mois, on refait un autre test. Et s’il est prêt, on lui fait la formation.

À la fin de la formation, certains auront des certificats internationaux, c’est-à-dire des certifications qui sont valables dans quasiment tous les pays du monde. Dans le domaine de la cybersécurité, c’est essentiellement des certifications, même si notre centre va fournir une attestation globale. En dehors des certifications, il y a des formations valorisantes que nous allons administrer à ces jeunes-là.

Par exemple, pour le pilote de drone, il y a une certaine déontologie à respecter. Ce n’est pas parce qu’on sait piloter un drone, qu’on est autorisé à faire tout ce qu’on veut avec ce drone. Donc, nous allons insister sur cette déontologie afin que les jeunes que nous formons soient responsables. Il faut qu’ils soient sains de corps et d’esprit pour être acceptés dans tous les corps de métier. Parce que ces jeunes qu’on va former, l’armée peut s’intéresser à eux. La police ou la gendarmerie peut s’intéresser à eux. Donc, s’ils ne sont pas sains de corps et d’esprit, ça peut poser problème plus tard.

Nous ne souhaitons pas non plus former des jeunes en cybersécurité pour qu’ils deviennent des hackers ou des pirates. Donc, cette déontologie est nécessaire et indispensable pour que ce soit des jeunes capables de garder la tête froide, malgré des sollicitations qui pourront leur être faites pour qu’ils virent dans le décor.

Où se dérouleront ces formations ?

Nous allons commencer ces formations dans notre laboratoire. Nous avons assez de places. Par exemple, actuellement (vendredi 8 septembre, NDLR), il se déroule une formation de pilotes de drones et une formation d’agents de sécurité numérique. Donc, nous allons lancer les formations et chaque fois qu’il y aura des inscrits, nous les ferons. Nous allons rechercher des partenaires qui vont accepter d’héberger les formations chez eux.

Et puis, il y a l’Etat. Si le ministère de la Jeunesse et de l’emploi est intéressé, eh bien, nous avons tout ce qu’il faut pour que, dans leurs centres de formation, ils puissent proposer ces métiers innovants en dehors des métiers qu’ils proposent déjà. Et là, honnêtement, tout dépend d’eux. Parce qu’effectivement, nous n’avons pas les moyens pour avoir de grandes salles de classe qui peuvent accueillir 30 personnes, mais le ministère a tous ces moyens-là. Et nous sommes prêts même à former des formateurs, de façon à ce que ces formations continuent de se faire dans les provinces et un peu partout où le ministère de la Jeunesse et de l’emploi souhaite les faire.

Ne craignez-vous pas d’avoir sur le dos, les responsables d’instituts et écoles qui offrent des formations similaires, de longue durée ?

Non, je ne pense pas qu’il y aura des problèmes avec les autres centres de formation. J’ai discuté avec des fondateurs de centres de formation qui me disent : « J’ai créé mon centre de formation, il y a 10 ans, il y a 15 ans. Au début, ça marchait bien parce que je proposais des métiers comme la mécanique, la menuiserie. Mais, je constate que les jeunes actuellement ne sont pas tant intéressés par la mécanique, la menuiserie, la maçonnerie et certains métiers ». Par contre, les jeunes sont intéressés par les douze métiers que nous proposons. Donc, si vous avez un centre de formation, qui commence à être au ralenti parce que vos formations classiques ne les intéressent pas, en collaborant avec nous, vous allez pouvoir proposer ça. Donc, il n’y a pas d’antagonisme.

La concurrence n’est pas négative. La concurrence peut être un moyen pour pousser tout le monde à aller plus de l’avant. Et la particularité de notre centre de formation, c’est que quand on fait une formation et que le métier qu’on propose commence à boucher sur la proposition d’emplois, sur la place du marché, eh bien, on arrête cette formation.

C’est la différence avec les centres de formation classiques. On connaît des centres de formation qui se passent de père en fils, ou de père en fille, et qui forment en comptabilité. Et depuis 50 ans, ils forment en comptabilité. Non, nous ne sommes pas ces types de centres de formation. Nous, nous nous indexons sur les besoins actuels. S’il n’y a pas de besoins, on arrête. Et on intègre une nouvelle formation dont on a besoin.

Nous sommes un laboratoire. Donc, nous sommes constamment en veille pour sentir, pour voir venir, les besoins futurs. Et nous nous préparons pour cela. Monsieur Bassolé, la guerre va finir. La guerre va finir un jour. Il faut que nous soyons prêts à propulser nos pays économiquement. Et qui va faire tout ça ? Il faut que nous ayons des gens compétents. Admettons que des Chinois ou des Iraniens décident aujourd’hui de venir au Burkina Faso et de monter des usines. Qui va partir travailler dans ces usines ? Eux, ils n’ont pas besoin de comptables, de mécaniciens, que nous formons depuis plusieurs années.

Ils n’ont pas besoin de ça. Ils ont besoin de roboticiens. Ils ont besoin de personnes qualifiées pour travailler dans des usines très modernes. Alors, qui va le faire ? C’est nous. Nous allons le faire. Nous sommes prêts à le faire. Et avec l’Etat, avec les ministères, nous allons travailler ensemble, faire des transferts de compétences. Il y aura de nouveaux enseignants qui vont faire de la robotique, de la programmation informatique, et puis d’autres technologies pour que nous puissions être compétitifs lorsque nous allons créer nos industries.

Qui sont les encadreurs qui interviennent dans la formation des jeunes ?

Tous les jours, je reçois des demandes de professeurs d’électronique qui sont déjà dans l’enseignement et qui disent : « Quand nous voyons ce que vous faites, c’est ce que nous voulons faire aussi ». Et il y en a qui sont prêts à carrément démissionner de l’administration pour venir travailler avec nous. Pourquoi allons-nous débaucher des agents de l’Etat ? L’Etat peut les utiliser pour qu’ils fassent ce qu’ils aimeraient faire pour les jeunes, mais en étant dans les services habituels de l’Etat.

A ce jour, combien d’inscrits avez-vous ?

Le problème, c’est qu’aujourd’hui, nous ne pouvons pas accepter tous ceux qui veulent s’inscrire parce que nous n’avons pas assez de salles de classe. C’est pour ça que nous faisons un appel à ceux qui le veulent. Hier, j’ai animé une conférence. Et puis quelqu’un a pris le micro et a dit : « Moi, j’ai créé un centre de formation, il y a 15 ans à Koudougou.

Le centre de formation, il y a 15 ans, fonctionnait très bien. Mais les jeunes ne sont plus intéressés par ce que je proposais il y a 15 ans. Alors, Monsieur Sanfo, si vous le souhaitez, mon centre est à votre disposition pour que vous commenciez des formations dans les métiers innovants. Eh bien, la semaine prochaine, j’irai à Koudougou rencontrer ce promoteur de centre de formation et ensemble, nous allons mettre à la disposition des jeunes de Koudougou des métiers innovants.

Quel est le coût des formations ?

Nous sommes à la recherche de partenaires pour que le coût de formation ne soit pas un facteur bloquant pour un jeune qui n’a pas les moyens. Bien sûr, la formation d’un pilote de drone coûte cher. Actuellement, qui est-ce qui nous envoie des jeunes pour former comme pilotes de drones ? Eh bien, c’est ceux qui en ont déjà les moyens. C’est l’Etat ou les miniers. Les miniers nous envoient des gens en formation, mais ce sont des gens qui ont déjà un salaire assez enviable pour la plupart des jeunes. Donc, si nous devons garder les mêmes prix pour un jeune qui n’a pas de moyen, ça sera compliqué.

Il va nous falloir des partenaires pour venir en aide au centre de formation et aux jeunes qui veulent postuler. C’est pour ça que balancer le coût de formation comme ça, sera le meilleur moyen pour que tous les jeunes pensent que ces formations ne sont pas faites pour eux. C’est pour ça que nous ne parlons pas de coûts de formation. Ça sera un peu, honnêtement, à la tête du client. Si un jeûne qui n’a pas de moyen, vient nous voir, nous allons essayer de trouver une solution. La formation ne sera pas gratuite, mais elle ne sera pas le même prix que paiera un minier ou une banque pour former son personnel.

Vous délivrez des certificats internationaux, mais sont-ils reconnus par l’Etat burkinabè ?

Bien entendu, si l’Etat s’y implique, ensemble, on réfléchira sur comment faire en sorte qu’au bout de ces formations, le jeune ait un document qui sera reconnu dans le pays. Mais nos certifications sont internationales. Effectivement, quelqu’un qui a fait cette formation et qui va aux États-Unis, aucun souci. Ils connaissent, par exemple, CSCU, le Ethical hacking. Ils le connaissent un peu partout dans le monde et c’est valable.

Des gens ont trouvé un emploi avec ces certifications-là. Mais c’est vrai qu’au niveau national, il faut voir parce qu’il y a des autorités de l’enseignement, le CAMES (Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur) et d’autres structures qui valident les compétences. Donc, ça reste quand même à faire. Mais pour vous donner une ordre d’idées, nous n’avons pas quelqu’un que nous avons formé et qui est au chômage actuellement.

Avez-vous des retours des entreprises et administrations qui emploient des jeunes que vous avez formés ?

Oui. Nous devons, quand même, avoir un peu de discrétion par rapport à certaines personnes que nous avons formées. Donc, on ne va pas vous citer de noms, mais par exemple la première année où nous avons effectué des formations en robotique, c’était dans une école, l’ISGE (Institut supérieur de génie électrique). Nous avons effectué des formations et nous avons gardé contact avec ces jeunes.

Certains de ces jeunes, aujourd’hui, ont créé des entreprises dans le même domaine à peu près que le nôtre et tirent leur épingle du jeu. En dehors de ça, nous avons formé des gens qui nous ont été envoyés par des administrations sensibles. Nous avons des retours parce que nous avons gardé des contacts et ce sont des gens qui sont très performants dans ce qui leur est demandé par leurs administrations. Donc, nous avons de très bons retours.

Un mot de fin ?

Actuellement, notre souhait le plus absolu, c’est que l’Etat s’intéresse à ce que nous faisons et que l’Etat s’accapare de ce que nous faisons parce que l’Etat a beaucoup plus de moyens, pour que le maximum de jeunes ait des formations. Les formations que nous proposons intéressent les jeunes, mais nous n’avons pas les moyens de former plus de 20 personnes par mois alors que l’Etat peut former 1000 personnes par mois, s’il le souhaite.

Entretien réalisé par Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net

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