Burkina/Médias : « Le rédacteur en chef de la télé m’a dit que notre mort est en interview avec la télévision  », Jean Philippe Tougouma
lundi 2 septembre 2024
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Le 24 aoà »t 2024, Jean Philippe Tougouma faisait valoir ses droits à la retraite après 35 ans de service aux Editions Sidwaya. L’ancien chef du comité éditorial, rédacteur en chef de l’Agence d’information du Burkina puis des Editions Sidwaya, puis directeur de la rédaction de Sidwaya avant de prendre la direction de l’Agence d’information du Burkina, a également servi comme directeur de la communication et de la presse ministérielle à l’agriculture. Celui qui se définit comme un pur produit de Sidwaya qui passe ses heures à écrire des ouvrages, revient dans cet entretien qu’il nous a accordé le 28 aoà »t, sur sa longue carrière dans les médias, sur comment meubler sa retraite. Beaucoup de choses à découvrir teintées de souvenirs cocasses.
Lefaso.net : Il y a moins d’une semaine que vous êtes parti à la retraite. Comment se passe cette vie de « jeune retraité  » ?
Jean Philippe Tougouma : Merci pour l’intérêt que vous portez à ma modeste personne. Tout se passe bien. Je ne m’ennuie pas. Dans mon parcours professionnel j’ai eu un moment de flottement. Au garage pour dire vrai, sans avoir peur des mots pour le dire. Dans ces moments, il est plus facile de tomber dans le colportage. Il y a beaucoup de cadres qui ont eu des problèmes parce qu’ils n’ont pas su être forts dans la tête. Il faut comprendre que tout est vanité. Quand vous le comprenez, personne ne peut vous empêcher de vous épanouir. J’ai la chance que chez moi à 500 mètres, il y a un temple évangélique, derrière aussi, une église et à droite une mosquée. Je suis tout le temps dans la ferveur religieuse. Je me lève à 4 heures, soit pour écouter la radio soit pour faire la lecture et faire aussi du sport.
A l’apparence, vous ne ressemblez pas à quelqu’un qui a 60 ans. Quel est le secret de votre physique ?
Je ne me suis jamais laissé emballer par un problème. J’ai travaillé au ministère de l’Agriculture, le jour où on devait me vider, le secrétaire général m’a reçu. Il me donne dos en disant DCPM, le patron veut faire des aménagements qui touchent votre direction. En d’autres termes on me congédiait. J’ai réagi en disant qu’il n’y a aucun problème pour moi de partir. Ce qui l’a un peu surpris parce que dans la matinée certains qui devaient être révoqués ont pleuré. Je n’allais pas pleurer pour un poste. Je sais rester figé sur des principes que je respecte. Depuis le 31 décembre 1987 je n’ai plus touché par exemple à la bière. Je refuse également les boissons fortes. Le 1er janvier 1991 après avoir bu un peu trop de liqueurs, j’ai raté le virage vers la radio et je me suis retrouvé à terre. Ironie de l’histoire, c’est votre patron Cyriaque Paré qui m’a trouvé et m’a secouru. Depuis ce jour, j’ai décidé de ne plus jamais prendre les liqueurs aussi. Mais de temps en temps je ne laisse pas passer le bon dolo de Koupéla, mieux que celui de Zorgho ou du Koulpélogo.
Comment êtes-vous arrivé dans le journalisme ?
En année de licence de lettres, nous apprenons que le gouvernement du Front populaire voulait recruter des journalistes. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui les mesures nouvelles. Nous étions un certain nombre à postuler. Un matin, nous avons été appelés pour six mois de formation intense au Centre de formation professionnelle des journalistes (CFJP) actuel ISTIC en 1989. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés dans les organes de presse. Nous étions quatre à faire le choix de l’agence. le regretté Augustin Bandé, Abdoulaye Damé, Issa Soma et moi. J’ai commencé à l’AIB en avril 1990 En 1998, je suis parti de l’agence en tant que chef adjoint. Mon red-chef était le regretté Sana Victor Yabré qui par la magie de l’administration sera mon rédacteur en chef quand je retournerai à l’AIB en 2008.
Pourquoi avez-vous quitté huit ans après ?
Je suis parti de l’AIB pour une raison majeure. Nous n’étions pas trop sollicités, pas de reportages ou quelques-uns. C’est vrai qu’il y avait les ordinateurs, mais nous n’étions pas dans la plénitude morale et professionnelle. J‘ai souhaité venir à Sidwaya en 1998. Je suis allé dans le desk politique à Sidwaya. Après, j’ai occupé le poste de chef de desk politique, rédacteur en chef adjoint, rédacteur en chef de 2001 à 2003. Puis après je me retrouve au ministère en charge de l’Agriculture comme directeur de la communication pendant deux ans, 2003 à 2004. Je suis revenu à Sidwaya, j’ai été propulsé chef de Sidwaya weekend. Je dois une fière chandelle à Michel Ouédraogo alors directeur général qui m’a révélé à moi-même. Quand il voulait me nommer rédacteur en chef, il me reçoit dans son bureau et me dit « tu seras mon rédacteur en chef. Je ne demande pas ton avis mais voici mes raisons. Tu es au carrefour des deux générations, les aînés et les cadets. Deux, tu es bien présent dans le journal. Trois, tu es ceinture noire de karaté. Ça peut être utile.  »
Par la suite encore, il m’a nommé directeur de la rédaction de Sidwaya de 2006 à 2008. En 2008, Jean Paul Konseibo le nouveau directeur général de Sidwaya m’envoie à l’AIB comme directeur. En 2010 je suis « rappelé  » à Sidwaya par feu Ibrahiman Sakandé devenu le nouveau directeur général des Editions Sidwaya. N’ayant vraiment plus rien à foutre, le CDP me sollicite pour animer son journal « Le Progrès  » de 2010 jusqu’en 2014 à la chute du régime du président Blaise Compaoré. J’étais là -bas avec votre collègue Oumar Ouédraogo. Depuis lors je suis resté à Sidwaya jusqu’à ma retraite le 24 aoà »t 2024.
Avec tout ce nomadisme, peut-on dire que vous êtes arrivé dans le métier de l’information par passion ?
Je ne saurai le dire. Je remarque simplement qu’au moment où mes camarades d’enfance étaient focus sur les bandes dessinées, Bleck, Rodéo Zembla et autres, Tarzan ou SAS de Gérard De Villiers, moi j’étais plutôt vieux journaux, que j’achetais et dévorais. De même au moment où ils étaient foot, moi dans le tard je m’inscris au karaté pour ne plus en sortir. J’ai découvert les médias à travers la radio. Je suis né jumeau, avec ma sœur Jeannette la radio de papa servait d’objet de jeu. Je me suis laissé séduire par les reportages des correspondants de l’agence ivoirienne de presse. Et quand j’ai eu l’occasion de pénétrer les médias, je n’ai pas hésité pour l’agence d’information du Burkina.
C’est vrai que j’avais aussi un penchant pour la télé, mais heureusement ou malheureusement je n’y ai pas été ; donc c’est ainsi.
Vous avez été directeur de l’AIB. Qu’est-ce qu’on peut retenir comme innovations sous votre gouverne ?
L’AIB à notre arrivée était bien une direction autonome avec un directeur ; à l’époque M. Gnanata Joseph Kahoun. A l’avènement du pluralisme démocratique et du printemps de la presse, l’AIB avait pu glaner des clients, la radio Horizon FM de Moustapha THiombiano, l’Observateur paalga du doyen Edouard Ouédraogo et Le Pays du doyen Boureima Jérémie Sigué. Le tarif annuel était de 60 000 frs pour les journaux le gros client était bien la Loterie nationale où les programmes du PMU étaient considérés comme produit de l’AIB pour un abonnement de 5 millions de nos francs CFA. Je suis parti de l’agence en 1998, et quand je reviens en 2008, l’agence était sous tutelle de Sidwaya depuis pratiquement une décennie. Mes patrons les directeurs généraux Jean Paul Konseibo et feu Ibrahiman Sakandé m’ont permis d’organiser deux grands séminaires avec les correspondants. Si le premier qui était basé sur la contribution des correspondants au budget s’est relativement bien déroulé, le second l’était moins. Il portait sur le statut du correspondant AIB avec l’arrivée de professionnels. Je pense que moins de deux ans après, certains ont payé cash, parce que entre celui qui a occupé le poste pendant longtemps avec une bonne expérience et des qualités reconnues et celui qui sort de l’ISTIC, le choix du responsable du poste ne se discute pas.
Nous étions en train d’ouvrir les perspectives avec l’Agence ivoirienne de presse (AIP). La convention a été signée entre le directeur général de Sidwaya et la directrice centrale de l’AIP mais n’a jamais été mise en œuvre pour des raisons administratives.
Il se dit que vous avez été un grand éditorialiste. Quel est l’édito qui vous reste encore en tête ?
Bon je ne sais pas si j’ai été un grand éditorialiste. Là aussi, je dois une fière chandelle au DG Michel Ouédraogo. Alors que je n’avais jamais vraiment signé un édito, il m’appelle un jour j’étais rédacteur en chef et me dit prépare quelque chose pour l’édito. Inutile de dire que j’ai subi la foudre de la rédaction. Je vois surtout Kimségninga Sawadogo qui me fait un cours sur l’engagement qu’un édito doit prendre. Par la suite, je me suis mis à lire les aînés, à fouiner dans les pages internet. C’est sous Michel Ouédraogo que j’ai vraiment signé les éditos ou des articles sur les questions nationales ou internationales.
J’avais fait une chronique et madame Gisèle Guigma qui était ministre de la femme m’a envoyé du carburant parce qu’elle a estimé que c’était bien fait. J’avais fait aussi un édito à l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse, le 3 mai. Il y a eu des journalistes de la maison qui ont estimé que ce n’était pas bon. Mais le DG s’était déplacé à la rédaction alors que nous étions en pleine conférence de rédaction pour me faciliter pour la qualité de l’édito. Une fois encore, j’étais à Bilanga pour l’enseignement bilingue. Le représentant du PNUD ou de l’UNESCO, je ne sais pas trop qui n’était pas loin de nous, a dit à son collègue que Sidwaya a fait un très bon papier ce matin. Je lui ai dit que c’est moi, il m’a félicité. Nous étions tous deux contents.
Certains disaient que l’AIB était un garage pour les journalistes. Vous qui avez beaucoup travaillé là -bas, avez-vous eu cette impression aussi ?
L’AIB un garage ? Il y a bien une expression d’un général, Kouamé Lougué qui a bien fait le tour du Faso, il avait dit « n’est au garage que celui qui veut se garer  ». Il y a aussi le Conseil économique et social, considéré comme un garage. Il a fallu qu’une brave dame, Mme Juliette Bonkoungou y arrive pour en faire un service chouchouté de la République. Alors l’AIB un garage, demandez à la génération actuelle des agents de l’agence, vous verrez qu’ils ont su s’adapter et le temps leur manque. C’est vrai que pendant longtemps peu de personnes mesuraient l’étendue de la force de l’AIB. Il y a cette autre anecdote où pendant un Fespaco, le Danemark qui faisait un don, devant les caméras de la RTB et les micros de Sidwaya et de la radio avait demandé que l‘agence soit là avant toute action. Le délégué général M. Filipe Sawadogo dans son talkie demanda de faire venir le journaliste de l’AIB, moi j’étais juste à côté.
A l’époque, aucun ambassadeur du Burkina à l’étranger ne pouvait dire que l’agence est un garage, puisque ils avaient les nouvelles du pays, notamment les conseils de ministres par le fil de l’AIB. De sa naissance jusqu’aux années 80, si on rentre dans la définition que Paul Louis Bret, un ancien directeur général de l’Agence France presse donne de l’agencier, vous verrez qu’il n’y a pas meilleure école de pratique du journalisme que l’agence. Il disait bien, parlant des agenciers que ce sont « des bénédictins de l’immédiat qui ne bénéficient de leur devoir anonyme que par la satisfaction de l’avoir accompli  ».
En d’autres termes le directeur de l’AIB M. Mouor Aimé Kambiré, ou le directeur resté le plus longtemps dans le poste Issa Soma ne cherchent pas qu’on dise voici l’un ou l’autre, mais que leurs articles de presse soient repris par les confrères. Quand j’écris un article sur le prix du mort au Burkina en 1991, et qu’en stage à Cotonou au Bénin, je vois cet article repris par la presse béninoise, je peux dire qu’il y a autant de joie peut-être plus que certains qui ont la renommée. Et puis n’oubliez pas, l’agencier n’écrit pas pour Monsieur tout le monde. Avec cette autonomie administrative et financière décidée en Conseil des ministres, il y aura des convoitises, l’agence est le média de demain, ce n’est pas pour rien qu’elle est considérée comme un média de souveraineté.
Ceci dit je ne nie pas qu’il y avait parfois des frustrations, de ne pas être convié aux reportages, ou quand vous êtes convié au moment où les organisateurs donnent de l’essence aux autres, vous vous entendez dire « on ne vous a pas invité  ». Les journalistes de l’AIB habitués à ce cantique allaient au reportage avec les demandes, mais n’insistaient pas si les organisateurs les refoulaient. Ils venaient et faisaient leurs articles.
Justement avec le nouveau statut de l’AIB qui devient un EPE qu’est ce qui va fondamentalement changer ?
Je pense d’abord que l’autorité a bien signifié ce qui attend l’AIB. Il va falloir meubler l’organigramme en nommant des responsables, peut-être que l’agence devra revoir son maillage géographique. Elle devra faire avec les moyens à sa disposition en attendant de dérouler la plénitude de sa mission qui comprend une information de proximité. Je pense que le site de l’AIB sera le plus visité et ses articles les plus sollicités. Il faudra trouver la parade pour vendre, et trouver la parade pour être là où les autres ne sont pas en se parant de la qualité d’un agencier.
Quelle est la différence entre l’agence et les autres médias ?
Pour faire terre-à terre, je dirai que l’agence n’est pas dans les flatteries. L’agence ne dira pas c’est une belle femme, mais c’est une femme. L’agence se départit de ce qu’on appelle les flatteries. L’agence, ce sont des faits et rien que des faits. L’agence c’est aussi des sources, « proches de  » introduites, selon un organisateur qui a souhaité garder l’anonymat etc., l’agence ça peut être aussi des featers des dossiers pas trop longs. L’agence c’est la rapidité, l’instantanéité. Sidwaya par exemple peut prendre les faits de l’agence et les enrober. Quand il y a une marche par exemple, l’agencier va voir les organisateurs, les services de sécurité et autres. Il ne dira jamais qu’il y avait beaucoup de monde. Il dira que les organisateurs ont estimé qu’il y avait 5 000 personnes , la police 3 000. L’agence ne prend pas parti. L’agence s’est le grossiste jaloux de sa production. Quand vous prenez quelque chose avec l’agence, citez-la en toute confraternité. Quand le produit est bien apprécié dites c’est l’agence, n’attendez pas qu’il y ait des bobos pour indexer l’agence.
D’aucuns estiment que l’AIB est devenue un prolongement du service de la communication présidentielle. Comment analysez-vous leur critique ?
Je rappellerai que l’agence est un instrument de souveraineté. Hier, personne ne disait cela de l’AIB, considérée comme un garage. Aujourd’hui je peux le dire, et je le dis, le gouvernement facilite le travail de tous les journaux en faisant jouer à l’AIB son rôle premier. Le grossiste qui travaille avec des détaillants. Ailleurs si ça n’a pas changé et il n’y a pas de raison que ça change l’agence de presse était parmi les privilégiés dans les voyages présidentiels. L’agence est partout avec des journalistes capés.
Si vous voulez parler des questions sécuritaires, vous ne trouverez aucun pays où la presse va aller dans un sens où la population est terrorisée. Quand quelqu’un annonce par anticipation la venue de terroristes dans une ville, quel objectif poursuit-il ?
L’agence joue sa responsabilité sociale dans cette crise en se basant sur la déontologie et l’éthique. Si cela va en droite ligne avec la politique de communication de la Présidence du Faso, c’est bien le peuple souverain qui gagne. Pourquoi les « gens  » n’évoquent pas ces articles de l’agence qui mettent l’accent sur la santé, l’éducation, l’agriculture pas seulement à Ouaga ou à Bobo, mais dans tous les coins et recoins du Burkina ? Les agenciers sont bien conscients que cette guerre va finir un jour, alors ils ne font aucune restriction dans le choix des sujets. Ne leur demandez pas d’interviewer un terroriste. Aucun organe de presse sérieux ne le fera. Si, à une seule condition si le terroriste annonce qu’il rejoint la république et quitte la barbarie.
Vous connaissez les théories de la vieille et du chien ou du train à l’heure. Quand la norme c’est l’insécurité comme actuellement, parlons des trains qui arrivent à l’heure. Donc n’ayons aucun scrupule à confesser haut et fort les bons points de nos hommes. D’ailleurs je récuse le terme BOYS quand dans nos langues on peut trouver un mot qui décrit la force, la vitalité, la bravoure de nos forces combattantes.
Comment appréciez-vous la pratique actuelle du journalisme dans ce contexte de crise sécuritaire ?
Je suis en train d’achever un ouvrage sur les médias burkinabè face au terrorisme. Les médias burkinabè comme l’État burkinabè ont pataugé au départ. Mais aujourd’hui, il y a des spécialistes des médias qui parlent du terrorisme avec beaucoup de professionnalisme. Dans mes recherches, j’ai rarement vu un média burkinabè dire que les terroristes ont neutralisé nos forces combattantes. Ils tiennent compte de leur responsabilité sociale, la déontologie. L’essentiel des médias tiennent la route même s’il y a de petites erreurs aussi qu’on peut observer. La liberté absolue que les gens veulent, n’existe nulle part même en temps de paix.
Qui sont ceux qui ont été les modèles inspirants dans le journalisme ?
Je suis là depuis des années 1985. Au Burkina, ils sont nombreux. Je ne vais pas donner de nom parce qu’ils sont nombreux et dans différents organes de presse. Chacun a sa touche, et séduit ou ne laisse pas indifférent. Si la presse burkinabè a bonne presse, cela est à mettre indéniablement à l’actif des aînés, des devanciers qui ont souvent travaillé dans des conditions difficiles, mais ont toujours su sauvegarder l’essentiel. La paix. Si hier les aînés l’ont fait, il n’y a pas de raison que l’actuelle génération ne le réussisse pas. Il y a de la bonne graine dans tous nos médias.
Avez-vous des projets pour cette vie de retraite ?
Oui l’écriture en premier, même si c’est un pari risqué eu égard à la conjoncture du livre dans notre pays. Il faut écrire pour partager sa vision sur des questions. J’ai achevé une bonne douzaine d’ouvrages en lien parfois avec l’actualité Il y a les ouvrages déjà édités La chute du sphinx de Koso-Yam ou le secret d’une insurrection, j’étais surpris qu’à la dernière foire internationale du livre de Ouagadougou ce livre soit demandé. Il y a aussi en essai Blaise Compaoré sa vie en neuf tableaux, et un roman Sankara le conclave des héritiers. Général de brigade Gilbert Diéndéré, l’homme de l’ombre préfacé par Dr Cyriaque Paré votre patron.
Il y a aussi sur le président Blaise Compaoré sans que je fasse de fixation Le retour du Sphinx de koso-yam ou les secrets d’une odyssée.
Et si le perdant était le gagnant, ou les Ponctionnaires, une trentaine d’ouvrages, dont je ne peux pas tout lister. Il y a Maraboutez le Toubabou, La reconquête, un autre que j’achève avec beaucoup d’émotion, Les premiers jours après le dernier jour, ou les lendemains du jour sans… Les ex de la république et la République de l’exil y a aussi un livre familial, et un recueil de blagues.
Je profite pour lancer un appel aux bonnes volontés qui pourraient être tentés de soutenir des projets littéraires. Et avec des amis retraités nous allons bientôt créer une association. Pour le moment je guette les grands rendez-vous culturels Fespaco et Siao entre autres.
Comment concilier les deux, votre métier d’écrivain et celui de journaliste ?
Il faut lire et lire. Des gens disent que pour cacher quelque chose à un noir, il faut le mettre dans un livre. Ce n’est pas vrai. Les gens lisent. Ils ont adapté peut-être la lecture à leur contexte avec les smartphones et autres. Il faut lire, le savoir est dans les livres. Pour un journaliste de presse écrite c’est plus ou moins normal qu’il écrive. A force de fouiner, on finit par s’approprier certains concepts. Dans la douleur intense on peut rencontrer la joie intense si on sait s’y prendre.
Je vais vous demander votre dernier mot, mais avant sur les trente années passées au service de la nation, il y a eu certainement des moments de doutes, de plaisir racontez-nous quelques-uns.
À Sidwaya il n’y a pas trop d’histoires. Si, celle de l’article d’un journaliste. Avec mon chef Bénin Billé Jérôme nous avions retouché le papier. Malheureusement à la critique les collègues ont trouvé que ce n’était pas bien fait. Le journaliste rapidement s’est débiné « ce n’est pas moi, c’est les chefs là  ». Une autre fois quand on reçoit son article, on refuse de toucher. Là c’était grave. L’auteur ne pouvait rien dire. Mais les collègues ne nous ont pas laissés parce que quoi qu’il en soit, nous devrions revoir l’article. Ce qui n’était pas faux.
Il y a le mort de l’AIB qui donne une interview à la télévision nationale.
J’ai pris fonction un jeudi. Le lendemain la coalition contre la vie chère avait organisé des marches. Un journaliste de la rédaction annonce la mort d’un manifestant. Je sollicite un autre pour faire le tour en ville, de joindre les services de sécurité avant toute publication. Nous étions en période de jeà »ne catholique, je coure à la messe et à mon retour, la rédaction avait déjà diffusé l’information. Sauf que nulle part je n’entends qu’il y a un mort. Ça m’inquiète quant au journal Afrique de 22h30 la radio RFI annonce le mort, je suis un peu circonspect.
Le lendemain samedi matin, je suis au bureau pour ranger mes effets personnels, quand le téléphone sonne. Je prends c’est bien Pascal Yemboini Thiombiano rédacteur en chef de la télévision. On plaisante souvent, mais ici, l’air était grave. Directeur, mon équipe est en train d’interviewer le mort. Il est à la chambre, sur le lit et il s’exprime très bien. Wahou ça commence bien.
Une autre fois l’agence est associée au voyage du Premier ministre Tertuis Zongo au Niger. Je désigne un journaliste de la rédaction pour le voyage. Le matin j’ai un pressentiment. A 6h30 quand le directeur de Sidwaya Ibrahima Sakandé m’appelle, je comprends que quelque chose cloche. Et oui, lui aussi il prend un air circonstancié « l’avion du Premier ministre a fermé la carling sans l’envoyé spécial de l’AIB. Et la hiérarchie jusqu’au haut niveau demande un rapport  ».
Il y a bien d’autres, comme ce voyage à Yamoussoukro avec le président Blaise Compaoré pour prendre part à la Journée de la paix. A l’aéroport de Ouagadougou, l’avion à hélices refuse de démarrer, on nous prie tous de descendre ; les aviateurs viennent avec une batterie, font comme tous les mécaniciens et nous demandent de prendre place à bord. Tous on regarde le président Compaoré espérant qu’il refuse. Mais il prend place. Au retour le même scénario, le président Laurent Gbagbo « passe  » son avion à son homologue burkinabè qui revient avec une partie de la délégation. Je retourne dans ma chambre pour la transcription de l’interview. Un moment je sors pour voir, et j’apprends que les Burkinabè sont partis il y a trente minutes. Wahou, je cours à l’aéroport et le personnel ivoirien au sol me pointe du doigt l’avion en l’air…
Une autre histoire d’avion, et avec le président Compaoré. Je devais voyager avec le chef de l’Etat j’arrive à l’aéroport, je ne vois aucun journaliste, je m’approche du colonel major Atongodan Adilnali pour savoir ce qui ne va pas. Il me rétorque de tout son sérieux, on vous a dit quoi ? Ils sont partis il y a une heure. Wahou, et puis il me lance aujourd’hui c’est quel jour, je réponds 1er avril. Sur le champ je ne comprends pas, c’est quand il me dit, le voyage est reporté que je laisse échapper un gros soupir.
Le dernier mot
Merci à Lefaso.net qui me donne l’opportunité de parler de ma vie professionnelle et même d’évoquer cette nouvelle vie qui j’espère sera tout aussi riche. Merci à tous les patrons, à tous les collaborateurs pour tout. Je dis souvent que on peut bien boire la bière avec quelqu’un sans être capable de travailler avec lui. Et inversement. Il faut simplement une dose de tolérance. Je souhaite pour la nouvelle agence d’information que le système de sécurité soit vraiment renforcé. En ces moments de difficultés, l’agence reste également un enjeu. Secondo, je souhaite que les journalistes de l’AIB soient inscrits sur la liste des compétiteurs pour les prix Galian. On pourra lister ceux ou celles dont les articles auront été repris dans la grande majorité des organes de presse. Cela poussera aussi l’AIB qui a un style particulier à offrir les featers ces dossiers que seuls savent écrire les agenciers.
Serge Ika Ki
Sidnom-Wende Clémentine et Anita Zongo (stagiaires)
Lefaso.net