Accueil > Médias > Affaire TVZ Africa : Les deux versions

Affaire TVZ Africa : Les deux versions

mardi 20 octobre 2009

Toutes les versions de cet article : [(1|>{1}|?{' '}) [[({'',})]français{'',}] ]

Nous avons reçu, le jeudi 15 octobre dernier, une lettre ouverte du PDG de TVZ Africa, Moustapha Laabli Thiombiano, adressée à la présidente du Conseil supérieur de la communication (CSC), Béatrice Damiba, et portant sur la suspension de la nouvelle station.Au moment où nous nous apprêtions à publier l’écrit, nous est parvenu un communiqué de presse de l’instance de régulation relatif à la même affaire. En attendant de rencontrer les deux parties, voici leurs versions des faits.


Voir en ligne : Conseil Supérieur de la Communication

TVZ Africa au Conseil Supérieur de la Communication (CSC)

A Mme la présidente du Conseil supérieur de la communication (CSC),
Burkina Faso

Madame, Le CSC vient de faire une victime née étouffée ; TVZ Africa : la raison invoquée est d’expliquer le contenu de nos programmes. Madame, nous avons été très étonnés de n’avoir pas été sanctionnés de la même manière le 1er septembre, lors de la catastrophe qui a dévasté la ville de Ouagadougou, car ce jour-là, nous n’avons suivi aucun programme de la radio Horizon FM et vous ne l’avez pas fermée pour autant, nous avons plutôt reçu une gentille lettre de félicitations de votre part pour avoir utilisé notre radio pour informer en temps réel les populations de ce qui se passait sur le terrain. Je pense que grâce à cette initiative nous avons pu sauver des vies humaines.

Madame, le Conseil supérieur de la communication est le conseiller de la presse plurielle. On conseille un enfant, on ne le frappe pas. Au contraire, on l’éduque avec amour et affection.

Madame, vous nous avez demandé d’expliquer le contenu de nos programmes, ce que nous avons fait et déposé à votre présidence depuis trois semaines. Votre lettre de suspension nous a touchés profondément, quand on sait que l’attente a été longue pour TVZ Africa. Oui, Madame, quatorze ans que nous avons attendu cette autorisation. Votre prédécesseur, Son Excellence M. Luc Adolphe Tiao, a étudié avec lucidité le dossier de TVZ Africa et vous êtes arrivé et avez trouvé ce bonheur de la pluralité des médias au Burkina Faso. Dieu merci.

Votre lettre de suspension finit en ces termes : "la suspension de la fréquence est maintenue jusqu’à ce que le CSC décide autrement". Madame, pour combien de temps ?

Voyez-vous, sur nos écrans de TVZ Africa, il n’y a jamais eu d’images vulgaires ni de propos malsains, sinon vous nous auriez interpellés. Votre action pour nous est une détresse mentale, un véritable calvaire, voire une peine de mort de la liberté de la presse au Burkina Faso.

C’est un acte qui restera dans les archives du CSC comme un poignard dans le dos de la liberté de la presse et de la liberté d’expression du 21e siècle en lieu et place d’un bouquet de fleurs parce que vous êtes une femme éducatrice de l’humanité. Veuillez agréer, Madame la présidente du CSC, mon profond respect.

Moustapha Laabli Thiombiano

PDG/TVZ Africa


Réponse du Conseil Supérieur de la Communication

Dans une lettre ouverte adressée à la présidente du Conseil supérieur de la communication, le promoteur de TVZ Africa s’indigne de la suspension de sa chaîne et assimile cette décision de l’instance de régulation à une peine de mort infligée à la liberté de la presse au Burkina Faso.

Monsieur Moustapha Laabli Thiombiano connaît très bien les raisons qui ont prévalu à la suspension de sa télévision. Mais, nous avons l’obligation de satisfaire au droit des citoyens d’être informés et de se faire une bonne religion sur la question. D’entrée de jeu, il faut indiquer que le Conseil supérieur de la communication entretient des relations cordiales avec les promoteurs de presse et n’a pas de problèmes particuliers avec monsieur Thiombiano.

Toutefois, suite à de nombreuses lacunes constatées dans le fonctionnement de la chaîne de télévision privée TVZ Africa depuis son lancement, le Conseil supérieur de la communication a invité son promoteur à suspendre les émissions de la chaîne jusqu’à nouvel ordre, le temps qu’il se conforme aux dispositions réglementaires.

Cette décision de l’instance de régulation de la communication est fondée sur plusieurs rapports techniques dont les contenus ont été portés à la connaissance de l’intéressé à travers des échanges téléphoniques et épistolaires.

En effet, le monitoring des programmes de la télévision TVZ Africa effectué dès son ouverture a révélé plusieurs manquements. On retiendra, entre autres, que :

• la chaîne diffuse sans une grille des programmes agréée par le CSC ; celle qui avait justifié, entre autres, l’octroi des fréquences n’a jamais été appliquée ;

• TVZ se comporte comme une antenne relais de France 24 avec 54, 70% de son volume journalier consacré à la synchronisation avec France 24 ;

• elle ne fait pas usage du pictogramme et ne filtre pas ses messages défilant sur l’écran.

Au regard de ce qui précède, une mise en demeure de se conformer aux exigences du cahier des charges et des misions a été adressée à Monsieur Thiombiano, par lettre de la présidente en date du 3 août 2009. Dans sa réponse, datée du 12 août 2009, le Président-Directeur Général de TVZ Africa a fait savoir qu’il était confronté à un problème technique lié au manque d’un câble de serveur qui l’empêchait de « commencer les vraies émissions de TVZ ».

En raison de la difficulté matérielle de la chaîne à exécuter correctement ses « vraies émissions » et vu l’importance que l’instance de régulation accorde aux programmes des médias, elle a été alors invitée le 26 août 2009 à suspendre ses émissions en attendant de réunir les conditions nécessaires à l’effectivité de sa grille de programme. Une levée exceptionnelle de la mesure fut autorisée téléphoniquement le 1er septembre par la présidente du CSC à l’occasion de la pluie diluvienne pour permettre à la chaîne de couvrir la catastrophe.

Par courrier daté du 8 septembre 2009, le promoteur réagissait à la lettre du 26 août en faisant parvenir au Conseil la grille des programmes de TVZ Africa, l’informant de l’arrêt momentané des programmes de la chaîne, et de leur reprise le lendemain 9 septembre 2009.

A l’examen de cette correspondance, les services techniques ont relevé à nouveau plusieurs insuffisances significatives : ce sont, entre autres, des incohérences dans l’articulation de la grille et des imprécisions dans l’intitulé de certaines émissions, objets de synchronisation ou de reproduction avec la chaîne de télévision France 24.

Fidèle à la démarche pédagogique, qui lui est très chère, la présidente a instruit ses services techniques de recevoir monsieur Thiombiano le 14 septembre 2009 au siège de l’institution. Ce qui fut fait. Y a-t-il meilleure manière de « conseiller un enfant, de l’éduquer avec amour et affection » ?

Après les échanges, l’intéressé a promis de prendre en compte les observations du CSC, à savoir, entre autres, la correction de la grille des programmes et l’explication du contenu de chaque émission.

Mais rien n’y fit ! Constatant la non-prise en compte des observations et l’obstination du P-DG de TVZ à continuer d’émettre sans tenir compte des principes en vigueur, le CSC s’est vu obligé de lui rappeler à nouveau que la nouvelle grille comportait toujours des lacunes sérieuses et qu’il considérait la mesure de suspension des émissions maintenue jusqu’à ce qu’il lui notifie la levée de la suspension au vu des correctifs éventuellement apportés.

En définitive, c’est dans l’intérêt du promoteur lui-même que ces mesures ont été prises. Il doit également se convaincre que les nombreuses réactions des professionnels et du grand public aux manquements graves, constatés aussi par le CSC, discréditent son initiative.

En outre, la mission première du Conseil supérieur de la communication est de travailler à l’élargissement des espaces de liberté et à la promotion d’une presse plurielle et responsable. Ce n’est donc pas de gaieté de cœur que cette décision de suspension de TVZ Africa a été prise. Mais il demeure capital de respecter les dispositions légales et réglementaires qui régissent le fonctionnement des médias dans notre pays.

Il appartient dès lors au premier responsable de TVZ Africa de se conformer à la rigueur des textes pour émettre librement comme toutes les autres chaînes qui composent le paysage audiovisuel national.

Simon Yaméogo

Département de la communication et des relations publiques