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La problématique de la facturation des reportages par les médias

Facturer pour exister et non pas exister pour facturer

jeudi 8 octobre 2009

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Le conseil supérieur de la communication a convié le monde de la presse, la société civile, l’administration publique et les partis politiques à une réflexion sur la thématique de la facturation des reportages. La récurrence de la problématique démontre la préoccupation qu’elle représente pour les simples citoyens et les acteurs de premier plan de la société. Même si l’issue des débats n’a pas permis d’y trouver une solution définitive, le CSC a eu le mérite d’avoir posé le débat en y appelant les acteurs directement concernés.


Le présidium du panel : on reconnait ici la présidente ( 3 ème à partir de la droite) du CSC, Mme Béatrice Damiba livrant son discours
Le conseil supérieur de la communication, constamment interpelé sur la facturation des reportages par les médias tant publics que privés, a fini par appeler à débats, le thème « la problématique de la facturation des reportages dans les médias publics et privés ». La question est d’importance car une facturation systématique des reportages génère des effets pervers pouvant toucher aux fondements mêmes du métier de journaliste. Les panélistes invités avaient, chacun en ce qui le concerne à traiter d’un sous-thème précis. Il s’agit du Pr Augustin Loada, directeur exécutif du CGD, de Joseph Kahoun, ancien ministre de l’information et membre du Conseil ; de Adama Barro, conseiller technique du ministre en charge de la communication et de Alexandre le Grand Rouamba des Editions Le Pays.

D’entrée de jeu, madame la présidente du conseil supérieur de la Communication a planté le décor « il reste vrai que notre presse a besoin de financement pour se renforcer et jouer son rôle dans l’approfondissement de notre démocratie. La facturation des reportages, telle que pratiquée en ce moment, est-elle la solution ? Sinon, quelle autre voie de solution pouvons-nous dégager pour renforcer les capacités financières de nos médias et préserver les équilibres du traitement juste et équitable de l’information ? »

Au titre des inconvénients liés à la facturation des reportages, on note qu’elle peut entamer l’intégrité du journaliste dans la mesure où se pose la question de la qualité d’un reportage « payé ». L’on peut en effet légitimement se demander de quelle marge de manœuvre le journaliste dispose-t-il pour déployer son professionnalisme face à un acteur qui a payé pour qu’on parle bien de lui. On outre, le rôle de service public dévolu aux médias peut être dévoyé puisque le pouvoir du portefeuille donne un accès direct aux colonnes de la presse écrite ou à l’antenne de la radio ou de la télévision. Ce qui signifie qu’un événement d’intérêt public, du fait des moyens limités de ses organisateurs, peut ne pas être avoir un écho dans les médias.

Il est également ressorti des échanges que la facturation soulève des questions de droit et de déontologie. En effet, le fait pour un médium de ne pas couvrir un événement parce qu’il n’a pas été facturé est attentatoire au droit du citoyen à l’information. La question déontologique se trouve dans le fait que dans un reportage facturé, le journaliste se conforme aux normes voulue par le demandeur, exit donc l’objectivité chère à la profession. En sus, se pose la question d’une double facturation dans la mesure où le reportage facturé est ensuite vendu aux lecteurs.

La facturation, un mal nécessaire

Les journaux ont besoin de facturer les services qu’on leur sollicite pour garantir une assise financière et par conséquent leur survie. L’ensemble des panélistes l’ont reconnu, le prix facial d’aucun journal ne lui permet de s’assurer une santé financière à même d’assurer sa longévité. Alexandre le Grand Rouamba qui intervenait pour le compte des Editions Le Pays a rassuré l’assistance que la facturation n’est pas le principe essentiel dans son organe. A en croire les autres responsables de médias présents au panel, cela vaut pour chacun des journaux. Pour eux, la facturation n’est pas systématique.

Contrairement à ce que pensent d’aucuns, les journalistes rassurent qu’ils n’existent pas pour facturer, mais ils facturent pour exister. S’il y a un événement d’intérêt public qui se produit, les médias font preuve de promptitude pour la couverture et n’envoient de facture à personne. En outre, certaines activités menées par des acteurs non étatiques tels les structures religieuses, les partis politiques, les syndicats… ne sont pas systématiquement facturées. Il est d’ailleurs ressorti des échanges que la logique de la facturation, outre le fait qu’elle procure des revenus aux médias, trouve son fondement dans certains textes de loi.
Quelle solution ?

Il n’y a pas de solution prête et achevée à la question de la facturation des reportages même si des pistes ont été identifiées au terme des échanges. Le cri de cœur lancé par le directeur général de la RTB fait écho à la complexité du phénomène. Pour lui, le débat sur la facturation est certes important, mais sa préoccupation est moins dans des débats intellectualistes que dans son souci de pouvoir payer ses 500 agents à la fin du mois. En outre, les téléspectateurs de Gaoua ne reçoivent pas le signal depuis peu, il faut des moyens, comment faire ?

L’une des solutions demeure la facturation des reportages. Il faut que les annonceurs et autres organisateurs d’événements payent pour qu’il puisse remplir convenablement sa mission. Il a dit ne pas se réjouir à l’idée que le journal télévisé est un cocktail de comptes rendus de séminaires, d’ateliers, symposiums… au détriment de reportages sur des thèmes percutants qui intéressent les citoyens. Mais à l’entendre, il est obligé de s’y accommoder pour pouvoir honorer ses engagements. On perçoit là, un réel danger que la communication peut représenter pour l’information.

Le monde de la presse, la société civile, l’administration publique et les partis politiques ont pris activement part à cette réflexion
Quelques propositions de solutions ont néanmoins été retenues par les panélistes. Il s’agit de la création d’un fond d’appui aux acteurs non étatiques pour la couverture de leurs activités. Il a également été proposé de mener le plaidoyer pour que les médias puissent effectivement bénéficier de la taxe de soutien à l’audiovisuel. Les panélistes ont demandé au CSC de veiller à organiser l’accès aux médias de service public en période non électorale pour qu’il y est à ce niveau une certaine équité.

Au terme des échanges, madame la présidente du Conseil supérieur de la Communication a invité les participants à poursuivre la réflexion et exhorté les organes de presse à prendre des mesures internes pour la résolution de la question de la facturation des reportages en attendant que l’organe de régulation explore un certain nombre de propositions.

Salam Ouédraogo
www.csi.bf